Cette semaine, pour la première
fois depuis que je suis arrivée en Italie, je n’avais pas envie d’écrire ce
blogue. Non pas parce que je n’avais rien à raconter – je ne suis jamais à
cours d’histoires –, mais plutôt parce que je me suis demandé à quoi ça servait.
Ce blogue, je l’écris en partie
pour moi, bien sûr ; c’est une sorte de journal de bord, un lieu de
mémoire et de réflexion, qui me permet de faire le point, de mettre mon
expérience en perspective. Par contre, je l’écris d’abord et avant tout pour
les autres – comme à peu près tous les textes que je produis. Le journal intime
ne m’intéresse pas. Si j’écris, c’est pour communiquer. Partager, faire
sourire, toucher, émouvoir, questionner. Et ma plus belle récompense, c’est
lorsque les gens répondent à mon appel. Qu’ils prennent la peine de réagir à
mes textes, de m’exprimer ce qu’ils ont provoqué en eux, de me témoigner leur
colère ou leur gratitude, leur incompréhension ou leur désaccord. Or, ici,
personne ne répond jamais. Le silence radio.
Certes, les péripéties dont je
fais le récit ne se prêtent pas réellement aux débats, mais tout de même, je
demeure convaincue que souvent, ce que je raconte mériterait d’être contredit,
approuvé, alimenté, remis en question. Ce que nul ne fait jamais. Alors à quoi
bon ? Cette écriture unidirectionnelle me comble peu.
Je trouve difficile de n’avoir
pratiquement jamais de nouvelles des gens que j’ai laissés derrière moi (mis à
part de ma mère, qui s’est découvert une passion pour Skype, et de deux ou
trois personnes, un peu plus enclines à prendre le clavier). Ma principale
source d’informations, ce sont les statuts Facebook. Un peu pathétique. C’est
principalement grâce à eux que je sais ce qui se passe dans la vie de mes amis.
Le problème vient peut-être de Facebook lui-même, en ce sens que les gens se
disent qu’ils n’ont pas besoin de m’écrire directement, puisqu’ils savent que
je peux tout apprendre via leur profil. Cependant, je ne passe pas mes journées
à éplucher le babillard de chacun de mes amis pour voir ce qu’il y a de nouveau
dans leur vie. Se rendent à moi uniquement les nouvelles que Facebook croit bon
retenir et mettre sur mon fil d’actualité. Bref, aussi bien dire que j’ignore
tout de ce qui vous arrive, chers amis du Québec.
Je sais que la plupart d’entre
vous ne m’écrit pas sous prétexte que son quotidien n’a rien d’intéressant, que
la vie suit son cours et que les événements marquants se font rares. Mais qu’en
ai-je à faire des événements marquants, moi, ce sont les détails insignifiants
qui m’intéressent ! Arrêtez de penser que votre vie ne mérite pas d’être
racontée. Que parce que je suis en Italie, mon existence est digne d’être mise
en mots, alors que la vôtre, non. La vie italienne ne vaut pas plus que la vie
québécoise.
D’autres me répondront qu’ils ne
sont tout simplement pas portés vers l’écriture, que la rédaction de courriel
les emmerde et qu’ils préfèrent de loin parler de vive voix. Fine. Inscrivez-vous sur Skype
alors ! Si ma non technologique de mère l’a fait, vous pouvez bien le faire !
Je passe mes journées devant l’ordinateur et je n’attends que ça, être dérangée
par quelqu’un qui avait envie de me dire coucou.
À notre époque, la variété et
l’omniprésence des médias et des moyens de communication n’offrent plus aucune
excuse aux gens qui cherchent à expliquer pourquoi ils ne donnent jamais signe
de vie. Cette variété et cette omniprésence rendent également encore plus amère
la déception dans le cœur de ceux qui demeurent sans nouvelles de leurs
proches, car ils savent bien que ce ne sont pas les moyens de communication qui
manquent. Alors que manque-t-il ? L’intérêt, probablement.
Les exilés modernes souffrent du
foisonnement des modes de communication, qui met exagérément en relief le fait
que la majorité du temps leur téléphone fixe et leur cellulaire restent muets,
tandis que leurs nombreuses boîtes courriel et leurs boîtes aux lettres
demeurent vides. Les pèlerins moyenâgeux, les nomades du désert et les soldats
envoyés à l’autre bout du monde lors des multiples guerres des siècles
précédents n’espéraient pas recevoir de nouvelle de qui que ce soit. Alors,
lorsqu’une lettre, un télégramme ou un pigeon voyageur se présentaient à leur
porte, ils ne pouvaient en éprouver que surprise et ravissement. Les attentes
étant nulles, la joie était pure et intacte. Aujourd’hui, comme les
expectatives sont élevées, la joie possède immanquablement un arrière-goût de tristesse.
Je suis plus que consciente que
la majorité d’entre vous a autre chose à faire que de me tenir au courant du
moindre mouvement survenant dans son existence, mais je ne crois pas qu’il soit
si long et exigeant de taper quelques lignes sur son QWERTY et de cliquer sur
« Send ».
Je ne sais pas à quoi je
m’attendais exactement. Je me doutais bien qu’en m’exilant, j’allais perdre le
fil et me déconnecter des personnes dont je partageais préalablement le
quotidien, mais je pense que je n’avais pas réalisé à quel point je trouverais
ça difficile d’être ainsi exclue de ces vies qui auparavant faisaient partie de
la mienne. Je ne suis pas fâchée, seulement un peu désenchantée, triste
parfois. De me rendre compte que toute relation humaine, aussi sincère et
profonde soit-elle, résiste difficilement aux écueils de la distance. Nous
naviguons toujours seuls.
C'est le lot de tous les blogueurs, cette absence de commentaires... Maintenant, tout le monde répond sur Facebook ou Twitter quand on publie un lien (même quand on précise d'aller commenter SOUS LE BILLET et non sur les médias sociaux).
RépondreSupprimerPour le reste, je comprends totalement, c'était pareil pour moi quand je vivais en Asie. Étrangement, les gens qui m'écrivaient le plus souvent n'étaient pas mes amis les plus proches. Pour plusieurs, quand on est pas là, on existe tout simplement pas. Et c'est encore pire au retour: la plupart des gens se lassent très vite d'entendre nos histoires (que pouvous-nous y raire? c'était notre quotidien!). La vie a continué sans nous. Et c'est à nous de tout rattraper...
Cela dit, j'attends impatiemment le moment de m'exiler à nouveau. Avec ou sans commentaires. ;-)
Chère Taxibrousse,
RépondreSupprimerTu as tellement raison: il est étonnant comme les personnes qui prennent la peine de m'écrire le plus souvent ne sont pas celles que j'aurais cru. Mes «meilleurs» amis (je n'aime pas cette appellation), je leur parle, oui, mais il y a aussi ces connaissances ou amis «occasionnels» avec qui je me surprends à développer une relation à distance. Je crois que cela est justement dû au fait que précédemment, nous n'avions pas une relation basée sur le fait que nous nous voyions chaque semaine; il est naturel pour nous d'être «loin» l'un de l'autre, de ne pas faire souvent d'activités ensemble, alors le fait que je sois en Italie modifie très peu le caractère de notre amitié.
Enfin! Tout ceci étant dit, je suis contente d'avoir lancé ce cri du coeur: ça aura réveillé deux ou trois personnes, de qui je suis très heureuse d'avoir finalement eu des nouvelles :)