mardi 31 mars 2015

Le déni salvateur

C’est peut-être l’hiver qui s’éternise, c’est peut-être la crise de la trentaine qui dure trop longtemps elle aussi ; c’est peut-être le fait que j’ai des triplées de presque trois ans qui me tiennent tête du soir au matin, c’est peut-être la morosité ambiante, le beau gros cul-de-sac vers lequel nous sommes collectivement en train de nous diriger, c’est peut-être la haine qui se répand plus rapidement que la gentillesse sur les réseaux sociaux et ailleurs, mais maudit que je suis fatiguée. Épuisée. Pu capable.



Je suis de nature anxieuse. Pas dépressive, plutôt profondément préoccupée par l’état du monde et ma capacité à m’ajuster à celui-ci.  Hypersensible, diront certains. J’ai passé ma vingtaine à me poser mille questions au sujet de ce que je voulais faire, de la carrière que je désirais embrasser, du sens que je voulais donner à ma vie ; je craignais tellement de me tromper. Maintenant, il m’apparaît plutôt clair que je pratique le seul métier pour lequel j’aie été conçue et que mon existence trouve son sens toute seule, à la fois dans ce que j’accomplis professionnellement que dans les rôles que je joue au quotidien – maman, blonde, amie, sœur, etc. Bref, mes inquiétudes et mes questionnements ne portent plus tant sur ce que je suis et pourrais être que sur la société à laquelle j’appartiens avec une honte grandissante.

J’éprouve de plus en plus souvent l’envie de me retirer du monde et de m’enfermer dans un univers qui n’appartiendrait qu’à moi, un espace imaginaire où l’intimidation, la radicalisation et l’austérité seraient remplacés par l’empathie, le compromis et le partage. J’ai besoin de me protéger, car je suis décidément trop affectée par toute la méchanceté qui circule, la polarisation des idées et le climat de peur constante dans lequel on nous plonge. Le cynisme ne suffit plus ; j’ai besoin de moyens encore plus puissants pour m’empêcher de sombrer dans le fatalisme. En ce moment, je ne vois pas trop comment tout ça pourrait bien se terminer. La suite des choses peut-elle être autre que catastrophique ? Je le souhaite, mais j’y crois de moins en moins.

Quels moyens, donc, pourraient m’aider à regagner un peu de confiance et de positivisme ? Après le cynisme, il y a le déni, j’imagine. Je devrai probablement commencer à faire semblant que certains phénomènes n’existent pas, à me faire croire qu’il n’est pas trop tard, à agir comme si mes mots et mes gestes avaient véritablement le pouvoir de transformer la noirceur en lumière. 


J’ai toujours pensé que l’écriture était un moyen d’établir un contact avec les autres, d’engager un dialogue, d’entrer en communion avec eux. Écrire était un moyen de me rapprocher du monde. Cela pourrait maintenant devenir la plus belle façon de m’en extraire.