mardi 30 août 2011

Se remplir les yeux


Après les événements tristes de la semaine dernière, le moral des troupes italo-québécoises n’était pas à son meilleur dans les tranchées de Carpi. Heureusement, capitaine F. et moi-même avons passé un merveilleux week-end en amoureux, qui nous a permis de recharger les batteries et de faire le plein de belles images.

Plusieurs s’en rappelleront probablement, l’an dernier à pareille date, F. et moi convolions en justes noces, pour le meilleur et pour le pire, pis toute, pis toute. Pour célébrer nos noces de coton (un an de mariage, ça rétrécit au lavage, attention!), j’avais demandé à F. de prendre les choses en main et de nous organiser une petite escapade. Il a choisi de m’amener au Lac de Garde (Lago di Garda, dans la langue de Dante) qui, avec sa superficie de 369,98 km2, est le plus grand lac d’Italie. Disons que ses dimensions ont de quoi faire rigoler les gens du Lac Saint-Jean, qui fait 1 076,03 km2, mais bon, l’Italie a d’autres belles ressources très enviables !

Nous nous sommes arrêtés dans le petit village de Torri del Benaco, dont l’histoire remonte à très loin, puisqu’il date de l’époque romaine. (Ça, c’est une des choses que l’on pourrait envier à l’Italie, remarquez : son histoire et sa culture ancestrale.) Malgré la grande présence de touristes, ce village m’a séduite, avec son charme médiéval, sa marina colorée, ses remparts et sa serre de citronniers. Le climat de l’endroit est incroyable, considérant sa latitude (qui est exactement la même que celle de Montréal) : il y a des oliviers et des vignes partout, tout cela sur fond de montagnes alpines. L’eau est d’un turquoise transparent semblable à celui que l’on peut voir sur la Côte d’Azur et la surface du lac est constamment balayée par les vagues (c’est bien la première fois que je voyais des vagues sur un lac). Quand je parle de vagues, je veux dire de vraies vagues ; nombreux sont les kitesurfers et les adeptes de planches à voile dans cette région. C’était de toute beauté de voir ces centaines de planchistes naviguer dans le rayon du soleil du dimanche matin, portés par leur cerf-volant géant.

F. avait choisi cet endroit parce qu’il y a là un hôtel où son arrière-grand-mère allait toujours lorsqu’il était jeune et lui-même y avait séjourné à quelques reprises. À l’intérieur de cet hôtel se trouve également un restaurant, le Viola, qui, jusqu’à tout récemment, s’appelait Il Caval (Le cheval, en dialecte) et possédait une étoile Michelin (le rêve de bien des restaurateurs). Malheureusement, en raison des récents déboires économiques, les Italiens et les touristes sont moins enclins à dépenser leur argent et préfèrent les restaurants bon marché aux lieux de fine gastronomie. Le propriétaire du Caval a donc dû faire un choix : soit il faisait faillite, soit il suivait le public et lui offrait un menu tout aussi délicieux, quoiqu’un peu moins recherché, mais à des prix plus raisonnables. Isidoro Consolini a choisi la deuxième option, perdant du même coup son étoile Michelin. Nombre de grands chefs se sont suicidés à cause de cela : c’est pour plusieurs d’entre eux le pire drame qui ne pourrait pas leur arriver. Ce que ces chefs ont oublié, c’est qu’ils ne cuisinent pas seulement pour les critiques, mais d’abord et avant tout pour les « mortels ». Bref, je trouve l’histoire de ce restaurant très intéressante et suis très contente d’y être allée.

Le repas auquel nous avons eu droit samedi soir était très bien. Nous étions attablés dans le jardin, qui était très coquet avec ses petites lumières blanches, ses lierres grimpants le long du mur de pierre, sa musique et ses tables recouvertes de nappes violettes. Le service était tout à fait sympathique et plusieurs petites attentions nous ont été offertes. En Italie, dans la majorité des restaurants, y compris dans les pizzérias un peu miteuses, lorsqu’on mange à table, on nous fait payer il coperto (le couvert), qui coûte généralement entre deux et quatre euros. C’est ce qui remplace en quelques sortes le pourboire, puisqu’ici, il n’est pas de coutume de tiper. D’habitude, ce fameux couvert n’inclut pas grand-chose, à part le couteau et la fourchette. Or, au Viola, il comprenait un petit verre de mousseaux en apéro, un amuse-bouche (une fleur de courgette farcie et panée, miam!) et des petites bouchées digestives après le dessert. C’est ce que j’entendais par « petites attentions » et c’est ce genre de choses qui te fait apprécier un repas plus qu’un autre. Ce repas, puisque nous célébrions là une grande occasion, nous avons décidé de l’accompagner d’un vin que jamais nous ne nous serions payé en temps normal : un champagne brut blanc de blanc de Venoge, 2000. Wow ! Tout simplement délicieux. Il y avait dans ces bulles des effluves de caramel et de cognac, mais pas trop prononcées, simplement délectables. Ce n’est pas le genre de champagne léger que tu bois en apéro un vendredi soir avec des amis, il faut le savourer en accompagnement d’un plat, autrement, son goût finit par fatiguer les papilles, mais vraiment, c’était un bon choix. Au Canada, jamais nous n’aurions pu nous offrir une telle bouteille, ça nous aurait coûté probablement l’équivalent d’un mois de loyer ! Mais ici, les hédonistes ont la vie beaucoup moins dure…

Nous n’avons malheureusement pas pu dormir à l’hôtel du Caval, puisqu’il était complet, mais le proprio nous avait aidés à trouver une chambre dans un autre hôtel situé à quelques 400 mètres de là, la Villa Carlotta. L’hôtel appartient en fait à son frère, Claudio, un homme fort gentil et accueillant. Pour une raison ou une autre, il nous a même fait payer moins cher que prévu. Deux hypothèses pourraient expliquer la chose : soit qu’il savait que nous étions venus pour aller au restaurant de son frère, alors comme on restait « dans la famille », il a décidé d’être généreux avec nous, soit il était simplement content d’avoir affaire à des Italiens, chose très rare dans ce secteur, car tous les touristes ou presque sont allemands ! Sérieusement, la seule voiture plaquée en Italie dans le stationnement, c’était la nôtre. Le reste venait de l’Allemagne en majorité, puis, du Luxembourg et de l’Autriche. Dans tous les villages aux alentours du Lac de Garde, les gens parlent italien et allemand ; ils n’ont pas le choix, s’ils veulent que leur commerce survive. Je me rappelle que la situation était similaire à Ischia, où je suis allée il y a de cela près de dix ans. J’ignore pourquoi c’est ainsi, mais c’est un phénomène qui me fascine. Personnellement, quand je voyage, ce n’est pas pour rencontrer d’autres Québécois. Eux, je les vois en masse tout le reste de l’année ! Je ne sais pas, peut-être que les Allemands sont de grands « insécures » et qu’ils n’aiment pas se retrouver entourés d’étrangers. Cela aurait-il à voir avec leur passé ? Je ne m’aventurerai pas dans de telles suppositions, mais disons qu’on tiendrait là un beau sujet de doctorat (que je ne ferai pas, ça suffit les mémoires et les thèses).

Dimanche matin, avant de quitter l’hôtel, nous avons demandé à Claudio si, selon lui, le domaine Tommasi était ouvert au public. Ce vignoble est un des plus importants en Italie et on y produit d’excellents et très abordables Valpolicella et Merlot, entre autres. Comme il était vraiment à quelques kilomètres d’où nous nous trouvions, nous aurions vraiment aimé le visiter, mais, au risque de me répéter, tout est fermé le dimanche en Italie (!), alors on ne voulait pas se buter à une porte close. Claudio nous a répondu « Avoir su, si vous me l’aviez dit avant, il était ici hier soir ! » Il, c’était le propriétaire du domaine, qui s’avère un des bons amis de notre cher Claudio et qui vient souvent manger chez lui. Tu parles. Claudio n’a fait ni une ni deux, a pris son iPhone et a appelé son fameux copain. « Salut, c’est Claudio, j’te dérange ?! Oh, t’es à l’église?! Zut! Scuse moi. Non, non, rien, c’était juste pour savoir si vous étiez ouverts aujourd’hui, j’en connais qui auraient aimé ça aller te visiter. Non. OK, c’est pas grave. Désolé de t’avoir dérangé. » Le boss de chez Tommasi était à l’église. Tu parles [bis]. Cette scène est trop typique pour être vraisemblable, mais elle est pourtant vraie. L’Italie est typique, qu’est-ce que vous voulez !

À défaut d’aller visiter le vignoble (et de se saouler en plein jour), après avoir longé la côte du Lac de Garde jusqu’à Riva del Garda, nous nous sommes perdus dans les monts et les vallées des Alpes italiennes, simplement pour admirer le paysage. Après environ deux heures trente d’errance, nous nous sommes retrouvés à Molina, un (petit) village médiéval (552 habitants!) qui est entré cette année dans le patrimoine mondial de l’UNESCO et où se situe le Parco delle cascate. Il s’agit d’un parc (payant) plutôt familial où il est possible de faire de la randonnée. Trois parcours sont offerts: celui d’une demi-heure, celui d’une heure et celui de deux heures. Nous avons choisi ce dernier et nous l’avons complété en… une heure. Nous en avons déduit que 1) nous étions plus en forme que nous le pensions (on ne fait plus beaucoup de jogging depuis quelques temps, il fait beaucoup trop chaud pour courir, même à 7 heures le matin) et que 2) ils avaient calculé le temps de parcours sur la base des jambes d’un enfant de deux ans. Par contre, nous nous sommes vraiment demandé comment un enfant pouvait parcourir ces sentiers, puisque les marches qui ont été aménagées font au moins 50 centimètres de hauteur, ce que mes mollets de randonneuse et mes fesses d’acier ont trouvé assez pénible. La promenade fut malgré tout agréable, bien que les cascades, le highlight de l’endroit, étaient plutôt à sec et donc beaucoup moins impressionnantes qu’à l’habitude, étant donné qu’il ne pleut pas depuis deux mois. Nous avons par contre eu droit à un splendide panorama.

Je vous raconte tout ça et je me rends compte que plusieurs d’entre vous auront probablement envie de me lancer des roches : pendant que je me la suis coulé douce sous le soleil éternel de l’Italie, vous avez dû affronter les restes d’Irène, ses pluies abondantes et ses vents exagérés. Oups. Devrais-je me sentir mal ? Peut-être. Mais vous savez quoi ? Il n’en est rien. J’en profite, c’est tout. Du mieux que je le peux. Comme le dit si bien F., « je me remplis les yeux ». 

mardi 23 août 2011

Ici aussi


Dimanche matin, nous devions partir pour les Alpes françaises, en compagnie de M. et C. deux amis français que nous avons connus à Montréal et qui étaient en vacances sur le Vieux Continent. Les parents de M. ont une maisonnette à la montagne, où il n’y a ni voisins ni électricité. Seulement la paix. Nous étions invités à aller nous y reposer, à manger de la tartiflette et de la fondue savoyarde, à jouer aux cartes et à faire de longues promenades. Étant donné qu’il fait très chaud à Carpi depuis plusieurs jours, nous entrevoyions cette escapade en haute altitude comme une occasion de nous rafraîchir et de faire le plein d’air pur.

Le plan était simple : puisque M. et C. passaient le week-end à Milano, qui est à deux heures de Carpi, sur notre route vers la France, nous devions passer les chercher en voiture et faire le reste du voyage avec eux. Comme tout est fermé le dimanche en Europe, il était prévu que F. et moi allions faire les emplettes le samedi, afin d’avoir de quoi à se mettre sous la dent rendus là-haut. Samedi après-midi, nous avons donc fait les courses. Lardon, coppa, prosciutto, baguette, pommes de terre, vin, yogourt, fruits et confiture pour le déjeuner, tout y était. Le soir venu, nous avons fait nos bagages, afin d’être prêts à partir de bonne heure le lendemain, de manière à arriver à destination suffisamment tôt pour profiter de ce qu’il resterait de la journée. Nous avions rendez-vous avec les copains à 11h30 à Milano, ce après quoi il nous resterait environ trois heures de route.

Mais puisque rien ne se déroule jamais comme prévu dans la vie, nous ne sommes pas partis. Enfin, pas jusqu’au bout.

Samedi soir, vers 23 heures, nous avons appris le décès du grand-père de F.

Commotion. Cet événement, tous l’attendaient, car le nonno (grand-père en italien) était très malade depuis plusieurs mois. Il allait avoir 90 ans à la fin septembre. Sa mort fut une délivrance bien plus qu’un drame, mais toute mort demeure infiniment triste, peu importe la part de soulagement qu’elle puisse apporter. Tandis que les parents de F., qui étaient déjà au lit, se rhabillaient et se préparaient à aller rejoindre la nonna à la maison familiale pour veiller le corps du défunt, F. essayait de rejoindre sa tante pour lui annoncer la nouvelle. Puis, rapidement, un grand questionnement très terre à terre s’est imposé à nous : qu’est-ce qu’on fait ?!

Il n’était plus question pour nous d’aller à la montagne. Nous devions en informer M. et C. Or, nous n’avions aucun moyen de les rejoindre, ayant omis de leur demander le nom de l’hôtel où ils logeaient. Ceux-ci n’avaient pas de cellulaire et à une heure aussi tardive, nous doutions qu’ils iraient voir leurs courriels. Nous leur avons tout de même écrit un message pour les tenir au courant de la situation, les priant de nous téléphoner au plus vite s’ils lisaient celui-ci, mais nous fondions peu d’espoir sur ce mode de communication. F. ne cessait de répéter « Nous n’avons pas le choix, nous devons aller là demain. », ce que je trouvais absolument ridicule. Devoir faire deux heures de route pour aller annoncer à des personnes que nous ne pouvions pas aller avec eux à la montagne, puis, revenir sur nos pas, rouler encore deux heures, et rentrer à la maison ; il devait bien y avoir une autre solution. Nous sommes en 2011 tout de même. À l’ère du Web 2.0, de la télécommunication par satellites, des téléphones intelligents. Finalement, les pigeons voyageurs du Moyen-Âge étaient beaucoup plus efficaces que tous les iPhone et Blackberry de ce monde.

Au-delà du fait que nous n’arrivions pas à rejoindre M. et C., nous nous demandions comment ceux-ci allaient bien pouvoir s’organiser pour rentrer chez eux. Au début, F. pensait carrément aller les porter en France et revenir. Je veux bien croire qu’en Europe, les distances sont infimes comparées à celles du Canada, mais il y a toujours bien des limites ! Faire dix heures de voiture en une journée, alors que F. et toute sa famille étaient en deuil, ne m’apparaissait pas la meilleure des idées. Nous avons cherché sur Internet, les vols d’avion, le coût des billets de train, de bus, épluché tous les possibles. Des solutions, il y en avait, mais elles avaient très certainement un coût… Et on se rappelle que c’était un dimanche et je le redis, ici, le dimanche, tout tourne au ralenti. De toutes façons, nous ne pouvions pas décider pour M. et C. Nous avons simplement pris en note les options et nous sommes allés dormir. Malgré l’émotion, nous avons réussi à nous reposer un peu. Il le fallait bien, car une grosse journée nous attendait le lendemain.

À peine passé 9 heures, nous étions sur l’autoroute, en direction de Milan. J’ai visité Milan il y a neuf ans de cela. J’avais bien l’intention d’y retourner prochainement. Je n’aurais cependant pas cru que ce serait dans de telles circonstances.

La route était fluide, malgré le fait que c’était le dernier dimanche de vacances pour une grande majorité d’Italiens, il n’y avait pas trop de trafic. Nous avons croisé plusieurs étrangers sur le chemin – des voitures plaquées en Suisse, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Angleterre, en France, en Belgique. Tous ces gens rentraient chez eux. Et nous, nous allions annoncer à nos amis qu’ils devaient trouver un moyen d’en faire autant.

La situation était quelque peu absurde. Je rigolais en m’imaginant M. et C. lorsque nous leur expliquerions ce qui se passait, convaincue qu’ils ne nous croiraient pas, qu’ils penseraient que nous leur faisions une mauvaise blague, que notre valise était dans le coffre de la voiture et que nous passerions bel et bien quatre belles journées ensemble. Si seulement. Dans le coffre, tout ce qu’il y avait, c’était un petit sac à dos rempli d’eau et de nourriture ; nous avions cru bon préparer un pique-nique pour nos copains, ignorant combien de temps ils devraient attendre à Milan et sachant très bien qu’il n’est pas si simple de s’acheter un sandwich ou une bouteille d’eau un dimanche, même dans une des plus grandes villes d’Italie.

Nous sommes arrivés au point de rendez-vous à l’heure prévue. Il fallait bien qu’une chose au moins fonctionne comme cela avait été imaginé. M. et C. nous ont tout de suite crus, finalement. Sur leur visage, la déception, la compassion et plusieurs gouttes de sueur. C’est qu’il devait faire 45 degrés au soleil. Malgré l’insoutenable chaleur de l’être, nous nous sommes rapidement mis en mode recherche active de solutions.

La gare de trains fut notre première destination. À voir la quantité de gens qui faisaient la file à la billetterie, j’avais peur qu’il ne reste plus de places pour nos deux amis sur le train en direction de la France – en gros, il y a un train qui fait Milan-Paris et c’est celui-ci qu’empruntent tous les Français pour retourner chez eux. On a réussi à leur dénicher un billet en première classe et un autre en deuxième. C’est tout ce qu’il restait. Et officiellement, ce billet était pour Modane, alors qu’eux devaient débarquer à Chambéry, la station suivante. Des gens devaient embarquer à Modane et prendre leur siège. Mais on est Italie, le pays où il y a toujours moyen de moyenner. Quelques minutes avant l’arrivée du train à Modane, ils n’auraient qu’à se rendre dans le wagon restaurant pour siroter un café. Puis, une fois le train reparti, il leur suffirait de faire semblant d’avoir loupé leur arrêt. Le pire qu’il pouvait arriver, c’était que le contrôleur leur demande leur billet à ce moment exact. Mais à part les faire débarquer au prochain arrêt, ledit contrôleur ne pouvait pas faire grand-chose pour les punir. Ça tombait bien, le prochain arrêt était le leur. Cette solution, mon chum l’a proposée à la blague devant le vendeur de billets, qui a confirmé à demi-mot que cela était une des possibilités. « Les Italiens finissent toujours pas trouver une manière de se débrouiller », a-t-il dit.

Le train pour Modane (ou Chambéry, c’est selon) partait à 16 heures. Il était 13 heures et des poussières. Après avoir acheté les billets, nous sommes donc allés manger une pizza dans un des rares restaurants ouverts ce jour-là. Malgré les circonstances, il nous faisait vraiment plaisir de voir M. et C. Nous avons mangé et discuté, puis, il nous a fallu rejoindre la réalité. Nous leur avons dit au revoir, sans trop savoir quand nous aurions la chance de les revoir, justement, puisqu’après la France, ils partent s’installer à Vancouver. La vie s’arrangera bien pour que nos routes se croisent à nouveau. La vie s’arrange toujours. Comme les Italiens.

De retour à la maison, F. et moi avons défait les bagages que nous avions préparés la veille. Remis les vêtements de randonnée, les polars et les casquettes à leur place dans l’armoire. Il nous fallait dès lors penser à ce que nous mettrions aux funérailles, qui se tiendraient le mardi matin.

Ce soir-là, nous avons mangé avec les parents de F. et bu du vin. Un peu plus qu’à l’habitude. Nous sommes restés assis à table longuement, à nous raconter des histoires, à rire, à trinquer. Nous avons porté un toast au nonno. Pris une gorgée silencieuse. Parce qu’ici aussi, les gens meurent.

mercredi 17 août 2011

Cervia, Modena et autres petits plaisirs


« Que s’est-il donc passé dans la petite vie italienne de Mélissa au cours des derniers jours ? », que je vous entends vous demander. Je vais satisfaire votre curiosité insatiable de ce pas avec un petit point par point de mes dernières aventures.

1      Parce que c’est bien beau les escapades, j’ai fait ma fille sérieuse et j’ai avancé l’écriture d’une nouvelle que j’ai finalement rendue hier et qui sortira dans le prochain numéro de la nouvelle revue Z.A.Q. Comme j’ai bien travaillé, je me suis récompensée en allant faire d’autres escapades !
2      Je me suis fait piquée par les moustiques. Des petits, des gros, des niaiseux, des rusés : toutes sortes d’hostie de moustiques. On se croirait sur le bord d’un lac lors d’une soirée du mois de juillet, c’est pas des farces. Ici, à partir de 17 heures, il faut fermer les moustiquaires, sinon, c’est le bain de sang garanti.
3     J’ai eu chaud. Mais un chaud plaisant. Tous m’avaient avertie que l’été était très humide en Émilie-Romagne et que cela pouvait rapidement devenir insupportable. Je m’étais donc préparée à suer tout mon soûl en débarquant ici, mais il n’en est rien : nous avons droit à un des plus beaux étés qu’il y ait eu dans le Nord de l’Italie depuis des années. Il fait autour de trente degrés tous les jours, mais l’air demeure relativement sec. On ne suffoque donc pas, on n’a pas chaud aux genoux ni à la craque de seins : on a simplement les aisselles un peu humides, comme il se doit. De la sueur respectable, quoi ! Je ne veux pas écœurer personne, mais ça fait un mois que je suis arrivée et je n’ai pas vu une seule goutte de pluie. Pas une. Il y a eu un orage à Carpi, il y a trois semaines je crois, mais ce matin-là, F. et moi étions allés à Bologne et là-bas, il n’a pas plu. Tout était sec quand nous sommes rentrés à la maison.
4      Parlant de Bologne, vendredi matin dernier, F., ses parents et moi y sommes allés, histoire de respirer un peu d’air de grande ville. Ça fait du bien parfois, un peu d’effervescence urbaine. Faut dire par contre que ça ne bougeait pas tant que ça, étant donné que la plupart des Italiens sont en vacances en ce moment et qu’ils ont pratiquement tous délaissé leur ville de résidence pour aller au bord de la mer ou à la montagne, en quête de rafraîchissement. Pour notre part, nous avons déambulé quelques heures dans Bologna, en commençant par une visite au Asian March, notre nouveau lieu de pèlerinage à F. et moi. Il s’agit d’un simple marché asiatique, comme il s’en fait des centaines à Montréal, mais malheureusement si peu en Italie. Nous faisons là provision de divers produits que nous sommes habitués à utiliser dans notre cuisine de tous les jours et qui ne sont pas disponibles dans les supermarchés normaux ou qui le sont, mais à des prix de débiles mentaux. Vinaigre de riz, sauce soya, vermicelles, huile de sésame, sauce poisson, sambal oelek ; c’est le seul endroit où nous avons réussi à dénicher de la coriandre fraîche – que nous mettons habituellement un peu partout. Celle qu’on a prise au Asian March provenait directement de la Thaïlande, c’est bien pour dire. Elle avait un air un peu jaunâtre et tristounet, mais nous l’avons prise quand même, trop heureux d’enfin pouvoir en mettre dans notre assiette !
5      Samedi matin, F., sa mère et moi (je suis toujours là dans mes aventures, c’est fou), nous nous sommes rendus à Modène, encore une fois pour acheter de la bouffe. Il y a là un marché public, le mercato coperto Albinelli, qui fait dans le genre Jean-Talon, mais en à peu près sept fois plus petit. L’Albinelli est malgré tout très sympathique à fréquenter et les fruits et légumes y coûtent beaucoup moins chers qu’à la fruiterie de Carpi où la mère de F. a toujours eu l’habitude de faire ses courses. L’endroit est un peu compact par contre et on se pile rapidement sur les pieds. Et il y a toujours des gens dans ce genre de lieu pour nous faire perdre patience et nous décourager de la race humaine. Comme cette Africaine qui parlait italien, mais avec un accent absolument indéchiffrable, et qui tentait de négocier le prix de son poulet avec le boucher, qui affichait une mine visiblement agacée. Elle gueulait tout en souriant. C’était un amusement pour elle, quelque chose de naturel qui fait partie du rituel social. Or, pour tous les gens autour, c’était franchement désagréable.
6    Dans l’après-midi de samedi, nous avons utilisé tous ces bons produits achetés à l’Asian March et à l’Albinelli pour faire des rouleaux de printemps, que nous avons servis en entrée à nos invités pour le dîner du lendemain. Dimanche, nous avons effectivement reçu le cousin de F., son oncle et sa tante à manger pour le pranzo. Après les rouleaux, je leur ai concocté une salade tiède d’inspiration thaïlandaise, avec entre autres des nouilles Soba, du porc mariné au gingembre et à l’orange ainsi qu’une vinaigrette au sésame et de la coriandre, évidemment. Tous se sont régalés. C’était bien la première fois qu’ils mangeaient un truc qui ressemblait à cela. Pour eux, tout ce que je cuisine est exotique, c’est fou. Les Italiens cuisinent des plats italiens, point. Moi, en bonne citoyenne du Canada, ce pays marqué par le multiculturalisme, je cuisine de tout sauf du canadien. Tout le monde me demande si nous avons des plats typiquement de chez-nous, et à part le pâté chinois et la poutine, je ne sais jamais quoi leur répondre. Vous avez des idées de ce que je pourrais leur dire la prochaine fois ?
7      Anecdote en passant : la nouvelle selon laquelle la femme de F. est une bonne cuisinière a déjà fait le tour du village. C’est arrivé à au moins deux reprises que lorsqu’on m’a présenté une nouvelle personne, celle-ci m’a dit « Enchantée. Il paraît que tu fais vraiment bien à manger. » Ça y’est, ma réputation me précède. Gordon Ramsay, tu peux bien aller à te rhabiller.
8     Lundi, comme tout le reste de la population, nous avons fêté Ferragosto. Qu’est-ce que ça mange en été cette bibitte-là ? Des vacanciers ! En fait, Ferragosto, c’est à la fois une fête païenne qui est célébrée depuis la Rome antique et à la fois une fête catholique, qui souligne l’Ascension de la Vierge Marie. Aujourd’hui, on l’appelle aussi « la fête de l’été » et c’est un jour férié. Le 15 août est férié dans plusieurs pays européens à vrai dire. J’ignore pourquoi en Amérique nous avons perdu cette belle tradition – comme tant d’autres en fait. On n’est vraiment pas forts sur les traditions finalement… Enfin, ici, lundi, c’était congé. Sur un coup de tête, vers l’heure du dîner, nous avons décidé d’en profiter pour aller à la mer. Ben oui, encore. Je ne me tanne pas moi, des vagues et du sable dans ma craque de fesse. Cette fois, accompagnés d’Isabella, nous sommes allés à Cervia, qui est situé à environ 2 heures de Carpi, du côté est de la botte italienne, au bord de l’Adriatique. Nous sommes arrivés là-bas vers 14 heures et avons profité du magnifique après-midi en nous prélassant sur la plage. Puis, vers 18 heures, nous avons pris nos cliques et nos claques pour nous rendre à notre véritable destination : le Circolo Pescatori La Pantofla, un restaurant de pêcheurs où nous étions allés l’an dernier et qui nous avait charmés. Notre but n’était pas tant de nous faire bronzer la couenne que d’aller nous bourrer la face de fritto misto (un mélange de fruits de mer frits) et de moules pêchées le matin même. D.é.l.i.c.i.e.u.x. Nous avons terminé le tout avec un gelato (What else ?) et nous sommes redirigés vers Carpi autour de 22 heures. Dans la voiture, Isabella s’amusait à me dire des noms d’animaux en italien, afin que je les traduise en français. Depuis hier, je sais donc comment dire « génisse » en italien. Très pratique. Répétez après moi : giovenca.
9    Pour terminer, petite remarque : si vous pensiez que les deux semaines de la construction c’était intense, parce que tout le monde prenait la route d’assaut en même temps pour aller faire du camping dans le Maine ou en Gaspésie, vous n’avez rien vu. Ici, ce sont environ 11 millions de personnes qui prennent leur congé annuel en même temps – soit 3 millions de plus que la population totale du Québec. Quand même. La majeure partie d’entre eux débutent leurs vacances le 1er août et celles-ci culminent le 15, lors du Ferragosto. Imaginez ce que c’est vivre dans un monde où la moitié des commerces sont fermés pendant deux semaines – parce que ça prend bien des gens pour les faire rouler, ces commerces – ; c’est à la fois superbe de penser que les gens prennent le temps de vivre, tout simplement, et très désagréable, quand vous avez besoin de quelque chose qui ne se vend que dans un magasin « fermé ». Et imaginez le monde qu’il y avait à la plage lundi…

mercredi 10 août 2011

Après la montagne le beau temps

Vendredi dernier, en milieu d’après-midi, F. et moi nous sommes dirigés vers Fellicarolo, dans les Appennini – ou Apennins, en français –, une chaîne de montagnes qui traverse l’Italie du Nord au Sud, sur plus de 1000 km. Fellicarolo est posté à 922 mètres au-dessus du niveau de la mer, face au mont Cimone qui, avec ses 2165 mètres d’altitude, est le plus haut de la portion nord des Appennini. De Carpi, cela prend environ 1h30 normalement pour se rendre dans ce petit village. Or, cela nous a pris 2h30. Leçon numéro un : fiez-vous à votre GPS, mais pas trop. Osez le contredire parfois. À un certain moment, j’ai dit à mon cher mari « Il me semble que cette route-là ne me dit rien. Quand on est allés au chalet l’an dernier, ça n’avait pas l’air de ça… » La route que nous a fait faire le GPS était « l’ancienne route » ; depuis, on en a construit une beaucoup moins longue et, surtout, beaucoup moins sinueuse. J’avais un peu mal au cœur rendue là-haut, après tous ces zigzags ! Sur notre chemin, outre des collines, des courbes, des vallées et d’autres collines, nous avons rencontré deux faisans, dont un qui n’était vraiment pas pressé de traverser le chemin. Il a failli finir en brochettes…

À défaut d’avoir de la viande de faisan fraîche pour souper, nous sommes allés manger dans un pittoresque restaurant situé dans je ne sais plus quel village, à quelques 45 minutes (de courbes, encore) de Fellicarolo. Remo, l’oncle de F., avait réservé 11 places – nous sommes allés manger avec d’autres parents de F. et des voisins – et avait demandé à ce que soit présent le cuisinier de borlenghi – aussi connus sous le nom de zampanelle. De fait, ce restaurant avait au menu, comme tout restaurant qui se respecte en Italie, de la pizza et des pâtes, or, si nous en faisions la demande à l’avance, on pouvait nous offrir ces fameux borlenghi, qui sont des sortes de crêpes très, très minces, donc très, très croustillantes, à l’intérieur desquelles se trouve un mélange de lardon, d’ail, de romarin et de parmesan. Lorsqu’il y a de la clientèle intéressée à en consommer, le resto appelle l’expert en borlenghi – qui ne se déplace évidemment pas seulement pour deux personnes.

Le cuisinier prépare des borlenghi pour tous ceux qui en veulent et n’arrête d’en faire que lorsque nous lui disons que nous sommes sur le bord de vomir du lardon. Chaque fois qu’un borlengo (singulier du mot borlenghi) est prêt, c’est le cuisiner lui-même qui vient le porter à la table. J’ai été la première personne servie. Je me sentais un peu observée, car tout le monde autour de la table se demandait comment la Canadienne allait trouver ça. C’était plutôt bon, je dois avouer ! J’ai pris deux tournées de borlengo – je ne voulais pas m’écœurer du goût, j’ai donc poursuivi le repas avec un plat de tortellini au speck et au noix. Quelques convives autour de la table n’ont cependant mangé que ça. Milvia, la tante de F. s’en est farci six. Ce qui est merveilleux, c’est que pour tenir le compte du nombre de borlenghi que la tablée a mangé, on doit conserver toutes les assiettes dans lesquelles les borlenghi sont arrivés ; à la toute fin, ils comptent simplement la quantité d’assiettes vides sur la table. Principe simple et efficace !

À la fin du repas, nous avons réglé la note selon la méthode romaine (« alla romana »), c’est-à-dire que nous avons divisé le coût total de la facture par le nombre de convives, punto. Pas de tétage pour savoir qui a pris quoi, ce que ça valait, qui devrait payer plus, qui devrait payer moins : tout le monde s’en sort pour le même prix. L’avoir su avant, j’aurais mangé ce qui coûte le plus cher sur la carte ! (Je rigole.) N’empêche, cette façon de faire en dit long sur les Italiens : un de leurs plus grands plaisirs est de partager leur repas avec des gens d’agréable compagnie, et cela leur importe peu de payer plus ou moins, l’important est d’avoir passé un bon moment et d’avoir bien mangé. Cela dit, il existe aussi une autre manière de « payer », dite « alla napoletana » (à la napolitaine), qui en dit aussi long sur la culture italienne : partir en courant ! Comme on n’était pas à Naples, ce n’est pas ce qu’on a fait, bien sûr.

Le lendemain matin, pas de cadran. Nous nous sommes reposés – ce qu’on dort bien à la montagne, c’est frais, c’est noir, c’est silencieux – jusqu’aux environs de dix heures. Après avoir englouti un café et une tartine, F. est allé jardiner avec sa tante, tandis que moi j’ai lu. En fait, au cours du week-end, j’ai terminé mon premier roman en italien : Lessico famigliare (littéralement « lexique familial », mais qui a été traduit par Les mots de la tribu pour la version française – drôle de choix selon moi) de Natalia Ginzburg. À tous les littéraires parmi vous : je vous suggère fortement cette lecture, vraiment très intéressante. J’ignore ce que ça donne en français sur le plan du rythme, qui est assez particulier, mais ne serait-ce que du point de vue historique, c’est une lecture tout à fait enrichissante. Pour ma part, j’avoue être plutôt fière de l’avoir lu en italien aussi rapidement et, surtout, d’avoir pratiquement tout compris ! J’ai conclu qu’il était beaucoup plus simple et satisfaisant de lire sans passer mon temps à chercher les mots que je ne connais pas dans le dictionnaire, quitte à perdre un ou deux morceaux de texte une fois de temps en temps. Lire en étant constamment accrochée à mon dico bilingue était fastidieux et je me décourageais après quelques pages. Avec la méthode « sans dico », j’ai tout simplement fait confiance à mon instinct, j’ai relu certains passages plusieurs fois pour finir par comprendre, et c’est tout. J’ai bien demandé la signification d’un ou deux mots à F. ici et là, mais sans plus. Étant donné que je suis très visuelle, je constate que la lecture est très efficace pour m’aider à apprendre du nouveau vocabulaire. Enfin, tout ça pour dire que mon italien s’en vient pas si mal. J’ai encore un peu de difficulté à m’exprimer à l’oral, je n’ai pas encore « débloqué », mais ça ne saurait tarder.

Pour en revenir à notre séjour à la montagne, samedi après-midi, nous avons fait une petite randonnée en hauteur. Accompagnés de Milvia, nous avons emprunté différents sentiers pour nous rendre jusqu’à la Casa Baroni, un restaurant situé à quelques 1000 mètres d’altitude. Nous nous y sommes arrêtés pour prendre un café et nous reposer un peu. Pendant que Milvia discutait à l’intérieur avec la propriétaire de l’endroit, moi, dehors, je nourrissais un des chats de celle-ci, qui était chétif et affamé. La proprio a expliqué à F. que cette chatte ne s’entendait pas bien avec ses autres chats et qu’elle était toujours à part. Elle a ajouté qu’elle était malade et qu’on pouvait la prendre si on voulait. Les gens de la montagne n’ont pas la même relation avec les animaux domestiques que les gens de la ville – en tout cas, pas la même relation que moi je peux avoir ! Jamais ne me passerait par la tête l’idée d’offrir à un pur inconnu de prendre mon chat avec lui – encore moins mon chat malade. Pauvre petite chatte, elle avait subi une fausse couche quelques semaines plus tôt. Elle était visiblement beaucoup trop faible pour avoir des bébés. Bref, j’ai tâché de lui donner un peu d’énergie en partageant avec elle ma réserve d’amandes – malheureusement, je ne traînais pas de canne de thon dans mon sac à dos ! La petite bête a bien apprécié mes noix – elle doit être de la même lignée que ma chatte Mia, qui adore tout ce qui est graines, noix et… chips !

Bon, vous l’aurez compris, je m’ennuie de mes chats, d’où le précédent paragraphe. Mis à part des chats mal nourris, nous n’avons pas vraiment vu d’animaux à la montagne. F. a vu une chouette un soir, et c’est à peu près tout.  Et heureusement pour lui, il y avait beaucoup moins de moustiques qu’en ville. Le pauvre fait des réactions incroyables aux piqures de moustiques, et ce, depuis qu’il est tout petit.

Le samedi soir, en compagnie de Remo, Milvia, Bruno (le frère du grand-père de F.) et de Giovanna, la femme de celui-ci, nous sommes allés manger de la pizza au « centre-ville » de Fellicarolo, qui est constitué d’un restaurant et d’un banc de parc. La pizza était, ma foi, délicieuse et la serveuse, fort sympathique. Lorsque F. lui a dit que nous voulions un demi-litre de vin rouge, elle a tout simplement pointé un grand baril au fond de la salle et dit « Il y a du rouge et il y a du blanc. Vous vous servez. » Même principe que pour les boissons gazeuses en fontaine à volonté chez Subway, sauf que là, c’était du vin ! Après la pizza, nous avons pris un dessert et la serveuse nous a amené une bouteille de limoncello, comme le veut la tradition dans les pizzérias ici. Au final, nous avons pris une bouteille de Prosecco pour l’apéro, plus d’un litre de bière, 1 litre de vin rouge, six pizzas, 4 desserts, du café et du limoncello. Total de la facture : 10 euros par personne. Décidément, l’Italie offre des avantages indiscutables aux gourmandes comme moi !

Gourmand, il faut l’être pour apprécier pleinement ce pays, car on y mange tout le temps ! Dimanche, nous sommes allés dîner chez Bruno et Giovanna – qui habitent aussi Carpi, mais qui ont également une maison à Fellicarolo. Une partie de la famille était réunie, j’ai donc rencontré quelques petits cousins et petites cousines de F.. Ces gens sont vraiment accueillants, je me suis tout de suite sentie la bienvenue. C’est toujours drôle au début quand je rencontre des proches de F. qui ignorent que je comprends l’italien : je ne sais jamais trop, trop s’ils parlent de moi à la troisième personne ou s’ils me vouvoient. C’est qu’en italien, on ne vouvoie pas : on donne le « lei » (« elle »). La forme de politesse est la troisième personne du singulier, et non la première du pluriel (tout ça a rapport avec l’époque mussolinienne, je vous invite à faire quelques recherches là-dessus, c’est vraiment intéressant). Bref, quand ils disent « A lei, le piace l’Italia ? » (« À elle, ça lui plaît l’Italie ? ») en me regardant, mais surtout en regardant F., j’ai l’impression qu’ils parlent de moi comme si je n’étais pas là et ça me fait rire. Ça me surprendrait qu’ils me vouvoient, puisque partout où je vais, je suis toujours la plus jeune. (F., après avoir lu ce billet, tu me diras ce que tu en penses, d’accord ?!) (Oui, je parle à mon mari par l’intermédiaire de mon blogue.)

Tout ça pour dire que le dîner de dimanche fut encore une fois copieux et bien arrosé. Après, quelques-uns d’entre nous ont joué aux cartes, pendant que les autres se reposaient, discutaient ou lisaient le journal. Il me semble que tous les dimanches devraient être ainsi, non ? Quelle mauvaise idée nous avons eue chez nous, dans les années 90, de permettre l’ouverture des magasins le dimanche. Ici, le dimanche, tout le monde a congé. Les gens généralement se retrouvent en famille, relaxent, bouffent, boivent, dorment, jouent. Il n’y a pas d’autres choses à faire de toute façon. Selon moi, c’est une chose qu’il faudrait ramener au Canada.

Maintenant, ça suffit, je vous laisse tranquilles, j’ai déjà bien assez parlé pour aujourd’hui. Ah, une dernière chose, pour ceux qui n’ont pas vu passer la nouvelle sur Facebook : j’ai obtenu la bourse du Conseil des Arts du Canada, ce qui veut dire que je passerai les prochains mois à écrire mon prochain livre et à être payée pour le faire ! Ce voyage s’annonce officiellement incroyable… 

vendredi 5 août 2011

Sous le soleil de Toscane

Je n’ai pas donné de nouvelles depuis quelques jours, car nous étions partis faire une petite escapade en Toscane – j’espère que vous trouverez cette excuse suffisante pour justifier mon absence dans la blogosphère ! Vous pourrez d’ailleurs jeter un coup d’œil aux quelques clichés que nous avons pris au cours de notre séjour aux abords de la mer Tyrrhénienne.

Ce voyage en fut un très reposant. Nous n’avions pas d’autres buts que de nous relaxer et de profiter du soleil. Nous avons été gâtés sur ce plan, puisqu’il a fait très beau tout au long de ces quatre journées. Mercredi a été un peu plus nuageux, mais cela tombait bien puisque nous avions décidé de faire une randonnée dans la montagne. Nous avons fait une partie du parcours du Corbezzolo, ce qui nous a pris environ 3 heures aller-retour. Le sentier était intéressant, très difficile par endroit – des cordes ont été attachées aux arbres afin d’aider les randonneurs à grimper certains pans de roches. Il y a une mine de marbre à proximité de San Carlo, village de départ du circuit, et du marbre recouvre une partie du parcours. Nous avons rencontré plusieurs postes de chasseurs – qui étaient évidemment vides, puisque ce n’est pas encore la saison. Ce qu’ils traquent : le sanglier. Il y en a énormément en Toscane et sa viande est très souvent cuisinée. J’ai d’ailleurs mangé de très bonnes pâtes au sanglier mardi soir, dans une petite osteria que la proprio du B&B nous avait recommandée. (À notre tour, nous vous faisons une recommandation, soit le Bed & Breakfast où nous logions. Si jamais vous êtes de passage dans la région, c'est là que vous devez vous arrêter. Un vrai petit paradis.)

Sinon, le reste de nos journées a été consacré à la plage. La mer est vraiment splendide dans cette région. Chaude et transparente. Le premier après-midi, nous l’avons passé près du centre-ville de San Vincenzo. À vrai dire, nous nous sommes effouarés au premier beau spot que nous avons vu, trop contents d’enfin voir cette eau turquoise et ce sable blanc. Le lendemain, notre hôte nous a conseillé d’aller dans le Golfe de Baratti, qui est situé à quelques kilomètres de San Vincenzo. Hier, nous avons essayé une autre plage, soit celle du Parc de Rimigliano. Il s’agit d’une grande plage publique, qui est séparée de la route par une grande pineta, soit une forêt de pins maritimes, ces conifères aux longs troncs dont seule la cime est dotée d’épines. Pour votre information, ce sont ces arbres qui produisent les fameuses noix de pins, si délicieuses mais si dispendieuses ! La pineta s’est avérée un endroit plutôt dangereux pour les vacancières en gougoune comme moi : en me rendant à la mer hier, d’un pas léger et confiant, je me suis enfargée dans une racine de pin et me suis royalement plantée, m’écorchant au passage toute la jambe droite. Heureusement que l’eau salée de la mer constitue un excellent désinfectant !

Sinon, mis à part nos bains de soleil, nos siestes sous le parasol, nos lectures, nos séances de crémage – je n’ai pas pogné de coup de soleil, ça me rend vraiment très fière ! – je ne saurais quoi vous dire. San Vincenzo est vraiment une jolie petite ville côtière, très, très tranquille le jour, puisque tout le monde est en train de se faire griller la couenne, mais le soir, elle s’anime et se remplit de touristes se bourrant la face de gelato. Les boutiques restent ouvertes jusqu’à 23h30 pour la plupart, afin de satisfaire les compulsions des consommateurs assoiffés de babioles fabriquées en Chine. Des animateurs de foule donnent des spectacles dans la rue et un joli carrousel antique accueille les jeunes et les moins jeunes – dont moi, qui ai absolument tenu à faire un tour de cheval.

Nous avons profité de la proximité de la mer pour manger du poisson et des fruits de mer, que nous avons certes payé un peu trop cher, mais difficile de faire autrement en pleine saison touristique. J’ai été grandement déçue par mon souper de mercredi, qui ne valait absolument pas ce que j’ai payé, mais au moins, nous avons eu droit à un splendide coucher de soleil, en direct de notre table. Nous avons également bu un excellent franciacorta (un vin blanc pétillant moins prestigieux que le champagne mais qui est fabriqué selon des procédés similaires). En bon futur sommelier, F. était curieux de savoir où l’on pouvait se procurer cette douce boisson ; la serveuse lui a répondu qu’Andrea, le sommelier d’une enoteca situé à Campiglia Marittima devait probablement en tenir à sa boutique, précisant que celle-ci devait être encore ouverte – il était passé 22 heures. Le GPS nous disait que Campiglia Marittima n’était situé qu’à 11 minutes d’où nous étions alors sans hésiter, nous avons décidé de nous y rendre. Nous avons bien fait, car ce petit village posté à flanc de montagne est vraiment très charmant.

Campiglia est un ancien village étrusque fortifié. Le soir, tout illuminé, c’est vraiment splendide à voir, toutes ces vieilles pierres, ces rues à pique qui ont plutôt l’air de ruelles, ces balcons auxquels sont accrochés des vêtements qui ont peine à sécher en raison de l’humidité. La piazza était remplie d’enfants courant partout, de vieillards discutant fort, d’adultes en vacances et de mangeux de gelato – encore et toujours ! Nous nous sommes nous-mêmes arrêtés pour déguster un cornet deux saveurs : ricotta et figues ainsi que mascarpone et Nutella. Miam ! Bref, ce petit détour inattendu a très certainement été un des moments forts de notre séjour en Toscane.

Nous sommes revenus à Carpi hier en mi-soirée et nous voilà déjà sur le point de repartir : nous allons à la montagne cette fois, à Fellicarolo, un minuscule hameau situé dans la commune de Fanano, où l’oncle de F. possède un petit chalet. Nous reviendrons dimanche soir, encore plus reposés ! Je serai donc au poste dès lundi, pour vous raconter nos nouvelles aventures. D’ici là, n’oubliez pas de répondre à mon nouveau sondage et… prenez donc le temps de m’écrire, ça me fait un immense plaisir de vous lire chaque fois.