mercredi 17 août 2011

Cervia, Modena et autres petits plaisirs


« Que s’est-il donc passé dans la petite vie italienne de Mélissa au cours des derniers jours ? », que je vous entends vous demander. Je vais satisfaire votre curiosité insatiable de ce pas avec un petit point par point de mes dernières aventures.

1      Parce que c’est bien beau les escapades, j’ai fait ma fille sérieuse et j’ai avancé l’écriture d’une nouvelle que j’ai finalement rendue hier et qui sortira dans le prochain numéro de la nouvelle revue Z.A.Q. Comme j’ai bien travaillé, je me suis récompensée en allant faire d’autres escapades !
2      Je me suis fait piquée par les moustiques. Des petits, des gros, des niaiseux, des rusés : toutes sortes d’hostie de moustiques. On se croirait sur le bord d’un lac lors d’une soirée du mois de juillet, c’est pas des farces. Ici, à partir de 17 heures, il faut fermer les moustiquaires, sinon, c’est le bain de sang garanti.
3     J’ai eu chaud. Mais un chaud plaisant. Tous m’avaient avertie que l’été était très humide en Émilie-Romagne et que cela pouvait rapidement devenir insupportable. Je m’étais donc préparée à suer tout mon soûl en débarquant ici, mais il n’en est rien : nous avons droit à un des plus beaux étés qu’il y ait eu dans le Nord de l’Italie depuis des années. Il fait autour de trente degrés tous les jours, mais l’air demeure relativement sec. On ne suffoque donc pas, on n’a pas chaud aux genoux ni à la craque de seins : on a simplement les aisselles un peu humides, comme il se doit. De la sueur respectable, quoi ! Je ne veux pas écœurer personne, mais ça fait un mois que je suis arrivée et je n’ai pas vu une seule goutte de pluie. Pas une. Il y a eu un orage à Carpi, il y a trois semaines je crois, mais ce matin-là, F. et moi étions allés à Bologne et là-bas, il n’a pas plu. Tout était sec quand nous sommes rentrés à la maison.
4      Parlant de Bologne, vendredi matin dernier, F., ses parents et moi y sommes allés, histoire de respirer un peu d’air de grande ville. Ça fait du bien parfois, un peu d’effervescence urbaine. Faut dire par contre que ça ne bougeait pas tant que ça, étant donné que la plupart des Italiens sont en vacances en ce moment et qu’ils ont pratiquement tous délaissé leur ville de résidence pour aller au bord de la mer ou à la montagne, en quête de rafraîchissement. Pour notre part, nous avons déambulé quelques heures dans Bologna, en commençant par une visite au Asian March, notre nouveau lieu de pèlerinage à F. et moi. Il s’agit d’un simple marché asiatique, comme il s’en fait des centaines à Montréal, mais malheureusement si peu en Italie. Nous faisons là provision de divers produits que nous sommes habitués à utiliser dans notre cuisine de tous les jours et qui ne sont pas disponibles dans les supermarchés normaux ou qui le sont, mais à des prix de débiles mentaux. Vinaigre de riz, sauce soya, vermicelles, huile de sésame, sauce poisson, sambal oelek ; c’est le seul endroit où nous avons réussi à dénicher de la coriandre fraîche – que nous mettons habituellement un peu partout. Celle qu’on a prise au Asian March provenait directement de la Thaïlande, c’est bien pour dire. Elle avait un air un peu jaunâtre et tristounet, mais nous l’avons prise quand même, trop heureux d’enfin pouvoir en mettre dans notre assiette !
5      Samedi matin, F., sa mère et moi (je suis toujours là dans mes aventures, c’est fou), nous nous sommes rendus à Modène, encore une fois pour acheter de la bouffe. Il y a là un marché public, le mercato coperto Albinelli, qui fait dans le genre Jean-Talon, mais en à peu près sept fois plus petit. L’Albinelli est malgré tout très sympathique à fréquenter et les fruits et légumes y coûtent beaucoup moins chers qu’à la fruiterie de Carpi où la mère de F. a toujours eu l’habitude de faire ses courses. L’endroit est un peu compact par contre et on se pile rapidement sur les pieds. Et il y a toujours des gens dans ce genre de lieu pour nous faire perdre patience et nous décourager de la race humaine. Comme cette Africaine qui parlait italien, mais avec un accent absolument indéchiffrable, et qui tentait de négocier le prix de son poulet avec le boucher, qui affichait une mine visiblement agacée. Elle gueulait tout en souriant. C’était un amusement pour elle, quelque chose de naturel qui fait partie du rituel social. Or, pour tous les gens autour, c’était franchement désagréable.
6    Dans l’après-midi de samedi, nous avons utilisé tous ces bons produits achetés à l’Asian March et à l’Albinelli pour faire des rouleaux de printemps, que nous avons servis en entrée à nos invités pour le dîner du lendemain. Dimanche, nous avons effectivement reçu le cousin de F., son oncle et sa tante à manger pour le pranzo. Après les rouleaux, je leur ai concocté une salade tiède d’inspiration thaïlandaise, avec entre autres des nouilles Soba, du porc mariné au gingembre et à l’orange ainsi qu’une vinaigrette au sésame et de la coriandre, évidemment. Tous se sont régalés. C’était bien la première fois qu’ils mangeaient un truc qui ressemblait à cela. Pour eux, tout ce que je cuisine est exotique, c’est fou. Les Italiens cuisinent des plats italiens, point. Moi, en bonne citoyenne du Canada, ce pays marqué par le multiculturalisme, je cuisine de tout sauf du canadien. Tout le monde me demande si nous avons des plats typiquement de chez-nous, et à part le pâté chinois et la poutine, je ne sais jamais quoi leur répondre. Vous avez des idées de ce que je pourrais leur dire la prochaine fois ?
7      Anecdote en passant : la nouvelle selon laquelle la femme de F. est une bonne cuisinière a déjà fait le tour du village. C’est arrivé à au moins deux reprises que lorsqu’on m’a présenté une nouvelle personne, celle-ci m’a dit « Enchantée. Il paraît que tu fais vraiment bien à manger. » Ça y’est, ma réputation me précède. Gordon Ramsay, tu peux bien aller à te rhabiller.
8     Lundi, comme tout le reste de la population, nous avons fêté Ferragosto. Qu’est-ce que ça mange en été cette bibitte-là ? Des vacanciers ! En fait, Ferragosto, c’est à la fois une fête païenne qui est célébrée depuis la Rome antique et à la fois une fête catholique, qui souligne l’Ascension de la Vierge Marie. Aujourd’hui, on l’appelle aussi « la fête de l’été » et c’est un jour férié. Le 15 août est férié dans plusieurs pays européens à vrai dire. J’ignore pourquoi en Amérique nous avons perdu cette belle tradition – comme tant d’autres en fait. On n’est vraiment pas forts sur les traditions finalement… Enfin, ici, lundi, c’était congé. Sur un coup de tête, vers l’heure du dîner, nous avons décidé d’en profiter pour aller à la mer. Ben oui, encore. Je ne me tanne pas moi, des vagues et du sable dans ma craque de fesse. Cette fois, accompagnés d’Isabella, nous sommes allés à Cervia, qui est situé à environ 2 heures de Carpi, du côté est de la botte italienne, au bord de l’Adriatique. Nous sommes arrivés là-bas vers 14 heures et avons profité du magnifique après-midi en nous prélassant sur la plage. Puis, vers 18 heures, nous avons pris nos cliques et nos claques pour nous rendre à notre véritable destination : le Circolo Pescatori La Pantofla, un restaurant de pêcheurs où nous étions allés l’an dernier et qui nous avait charmés. Notre but n’était pas tant de nous faire bronzer la couenne que d’aller nous bourrer la face de fritto misto (un mélange de fruits de mer frits) et de moules pêchées le matin même. D.é.l.i.c.i.e.u.x. Nous avons terminé le tout avec un gelato (What else ?) et nous sommes redirigés vers Carpi autour de 22 heures. Dans la voiture, Isabella s’amusait à me dire des noms d’animaux en italien, afin que je les traduise en français. Depuis hier, je sais donc comment dire « génisse » en italien. Très pratique. Répétez après moi : giovenca.
9    Pour terminer, petite remarque : si vous pensiez que les deux semaines de la construction c’était intense, parce que tout le monde prenait la route d’assaut en même temps pour aller faire du camping dans le Maine ou en Gaspésie, vous n’avez rien vu. Ici, ce sont environ 11 millions de personnes qui prennent leur congé annuel en même temps – soit 3 millions de plus que la population totale du Québec. Quand même. La majeure partie d’entre eux débutent leurs vacances le 1er août et celles-ci culminent le 15, lors du Ferragosto. Imaginez ce que c’est vivre dans un monde où la moitié des commerces sont fermés pendant deux semaines – parce que ça prend bien des gens pour les faire rouler, ces commerces – ; c’est à la fois superbe de penser que les gens prennent le temps de vivre, tout simplement, et très désagréable, quand vous avez besoin de quelque chose qui ne se vend que dans un magasin « fermé ». Et imaginez le monde qu’il y avait à la plage lundi…

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