dimanche 11 mars 2012

L'exil intérieur


J’ai été ingrate. Je n’ai pas nourri ce blogue depuis près de deux mois. J’aurais voulu lui trouver une conclusion digne de ce nom, mais les mots me manquent. Comme je suis rentrée d’Italie prématurément le 3 février dernier, la logique voudrait que ces chroniques italiennes meurent de leur belle mort. L’aventure étant finie, son récit devrait prendre fin lui aussi. Je n’arrive pourtant pas à me convaincre de clore ce site. Comme si le voyage, pour moi, n’était pas réellement terminé. Comme si je n’étais pas encore rendue à destination.

La grossesse que je vis en ce moment et que j’ai débutée en sol italien me semble la prolongation de ce voyage duquel je suis revenue – qu’à moitié. Le fait d’être tombée enceinte en Italie me donne l’impression de dorénavant porter en moi une partie de ce pays. Les petites que je mettrai au monde d’ici quelques mois auront le sang italien de leur père et, j’en suis sûre, leur caractère sera influencé par les conditions dans lesquelles elles se sont développées au cours des premiers mois, c’est-à-dire en exil, entourées de gens qui parlaient une langue qui n’était pas la langue maternelle.

Vivre un déménagement outremer en pleine grossesse, cela amène son lot d’émotions, de questionnements, de problèmes et de défis et mes petites se seront certainement rendues compte qu’il y avait beaucoup de mouvements dans la vie de leur mère au cours des dernières semaines. Cette surdose d’émotions fortes aura peut-être été la cause de ma situation actuelle : je suis maintenant au repos forcé. Je dois passer mes journées étendue sur le lit ou sur le divan, pour éviter que mes trois poulettes italiennes ne se pointent le bout du nez un peu trop tôt. Cette situation n’est vraiment pas évidente, surtout pour une hyperactive comme moi ! Je n’ai mal nulle part, j’ai de l’énergie, j’ai envie de prendre des marches au soleil, d’aller magasiner les accessoires de bébés, mais non, je ne peux pas bouger. Ce n’est pas mon corps qui m’en empêche, mais ma tête.

Cela prend beaucoup de volonté pour se contraindre à demeurer couchée quand on n’a aucun membre blessé. Évidemment, je veux mener à terme cette grossesse et donner toutes les chances possibles à mes filles d’être en santé et c’est en elles que je puise ma force. Déjà, je suis une mère et j’apprends le sens du compromis, du don de soi, voire de l’abandon de soi. La femme que je suis doit non seulement apprendre à partager son corps avec trois petits êtres étrangers mais, qui plus est, elle doit accepter que ce soit ces inconnues qui aient le contrôle de ce même corps. En d’autres mots, je ne m’appartiens plus. C’est ce sentiment qui me hante depuis quelques semaines. Dépossession. Exil intérieur. Je suis le navire qui doit mener à bon port ces trois âmes qui ont choisi de venir au monde en même temps. Le voyage, je ne le fais pas : je le suis.

Je suis l’odyssée de la vie qui commence. 

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