lundi 19 mars 2012

La grossesse est un mensonge


La grossesse est un mensonge. Personne ne nous dit la vérité au sujet de ce qu’elle implique. Nos mères, nos grands-mères, nos sœurs, nos amies, toutes celles qui sont passées par là avant nous omettent de nous révéler de quoi il en retourne vraiment. Non pas par mauvaise foi, mais par oubli, pur et simple. Tout de suite après l’accouchement, les femmes semblent déjà avoir oublié ce que c’était de porter un enfant. Obnubilées par la beauté sans nom de leur poupon fraîchement expulsé, elles ne pensent plus à la douleur, aux désavantages, aux limites et aux interdits qui leur étaient imposés ; elles n’ont de yeux que pour leur progéniture. Les souvenirs désagréables s’effacent magiquement – probablement grâce à la sécrétion d’une hormone quelconque, puisqu’on ne fait que ça, produire des maudites hormones, quand on est en cloque.

Pourtant, les aspects négatifs liés à la grossesse sont légion, et bel et bien réels. Chaque femme vit cette période d’une manière différente, mais vraiment, y en a-t-il une seule qui puisse dire que ces 40 semaines ne furent pour elle que pur bonheur ? Si oui, j’aimerais bien la rencontrer. Qu’on jase, qu’elle me donne ses trucs – ou ses gènes.  

Comme plusieurs (ou est-ce moi qui étais complètement naïve et dans le champ ?) je croyais que les principaux désagréments de la grossesse étaient les nausées dans les premières semaines et les vergetures qui apparaissent vers la fin. Entre les deux, je m’imaginais que la femme était emplie d’une incroyable plénitude, laquelle se reflète même sur son visage (ne dit-on pas que la peau des femmes enceintes est resplendissante ? – on oublie gentiment de mentionner qu’elle est aussi plus sujette aux boutons…) Dans ma tête de fille non avertie, être enceinte signifiait avoir le privilège de participer de l’intérieur à la fabrication de l’existence, établir un lien exceptionnel avec l’enfant à naître, magasiner les trucs pour bébé avec entrain et dynamisme, portée par l’énergie de la vie qui se développe en moi. Ha. Ha. Ha. Comme j’ai pu être candide. C’en est presque rafraîchissant.

D’accord, ma condition est particulière. Porter trois bébés, ce n’est pas comme en porter un seul. Mais justement, ça, c’est mon premier « what the fuck » : comment ça se fait que moi, petite rouquine naïve, j’ai hérité de trois fœtus au lieu d’un, tandis que des milliers de femmes ont de la difficulté à procréer ? Elles mettent des années à concevoir un seul bébé, avec l’aide des médecins et des pilules, et moi, bang ! après un mois de tentative, je me retrouve avec une portée de trois. Personne ne m’avait dit que ça pouvait se conclure ainsi. Évidemment, je savais que les triplés étaient un phénomène qui existait, mais ce genre de naissance multiple est statistiquement si insignifiant qu’on ne pense même pas que ça puisse nous arriver. Surtout quand on ne fait aucune cure de fertilité.

Mon premier avertissement, donc : mesdames, ne vous pensez pas au-dessus de ça. Vous aussi, vous pourriez avoir une grossesse multiple – ne serait-ce que des jumeaux. Saviez-vous qu’actuellement au Québec, 1 naissance sur 80 en est une gémellaire ? C’est beaucoup. Vraiment beaucoup. Si vous avez toujours voulu avoir un seul enfant, pas plus, pensez-y deux fois avant de faire l’amour sans condom.

Peut-être suis-je légèrement amère en ce moment parce que depuis ma 21e semaine de grossesse, je suis au repos forcé et que cela ne fait pas du tout l’affaire de l’hyperactive en moi, mais je me dois de toutes vous avertir : le repos forcé n’est pas l’apanage des futures mères de triplés. J’ai découvert que des milliers de femmes étaient contraintes de demeurer alitées à divers moments de leur grossesse, pour différentes raisons, et la plupart d’entre elles ne portent évidemment qu’un seul enfant.

La vérité, c’est que la grossesse est une expérience de plus en plus médicalisée et que plus ça va, plus les médecins essaient de prévenir des choses dont, auparavant, on ne se souciait pas, par manque de connaissances ou de technologies. Quand nos mères et nos grands-tantes nous disent qu’elles, elles ont lavé leur plancher à quatre pattes jusqu’à 39 semaines de grossesse, ce n’est pas parce qu’elles étaient toutes faites plus fortes que nous, mais simplement parce qu’elles ne voyaient pas leurs docteurs aussi fréquemment que nous et que ceux-ci ne pouvaient donc pas, par conséquent, mettre un frein à leurs élans exagérés. Aussi, devrais-je ajouter que les futures mamans d’une certaine époque étaient un peu moins dociles (ou apeurées par le discours médical ?) que nous pouvons l’être aujourd’hui. Par exemple, ma belle-mère, après quelques semaines de grossesse, avait eu des saignements. Son médecin lui avait dit qu’elle devrait probablement passer le reste de la grossesse couchée, pour éviter de perdre son bébé. Après 3 jours, elle n’en pouvait plus. Elle a décidé de reprendre ses activités normalement, en se disant que si ce bébé était fait pour vivre, il allait s’en remettre. Quelques mois plus tard, elle a donné naissance à celui qui est devenu mon mari – un homme vraisemblablement en santé, puisqu’il m’a confectionné des triplettes. Pour ma part, si j’ose seulement rester debout 5 minutes pour me dégourdir, car je n’en peux plus d’être en position horizontale ou semi-horizontale, je me fais réprimander par ma famille au grand complet, qui me somme de retourner à mon divan.

Deuxième avertissement : oui, la grossesse est un phénomène tout à fait naturel, mais nous vivons à une époque où il n’est plus vraiment possible de le vivre comme tel – à moins d’être beaucoup plus résistante au discours ambiant que je ne le suis. Si tout va bien, vous n’aurez « qu’un seul » rendez-vous par mois durant les premiers mois, puis, vers la fin, ça sera aux deux semaines et, juste avant le terme, au semaine. Mais du moment que votre grossesse représente une éventualité de risque, on va vous bombarder de rencontres avec le médecin. Je vous souhaite donc d’avoir un patron compréhensif – ou de ne pas avoir de job, comme moi. D’autant plus qu’au-delà du trouble que ça peut représenter de toujours devoir prendre des congés pour aller à ses rendez-vous, vous allez être fatiguées. Vraiment fatiguées.

J’ai quelques amies enceintes autour de moi en ce moment et heureusement pour elles, leurs grossesses sont beaucoup moins compliquées que la mienne – elles ont la chance d’être normales, disons-le ainsi. Elles seront donc probablement plus ou moins d’accord avec certaines choses que j’ai dites ici jusqu’à présent. Toutefois, mon but n’est pas de parler de l’expérience de la grossesse en général, mais d’être honnête en décrivant comment cela peut aussi se passer, en dehors des récits bucoliques parsemés de cui-cui d’oiseaux, de confettis et de rayons de soleil que nous entendons souvent.

Il y a une chose sur laquelle toutes seront d’accord par contre : la fatigue. Toutes les prégnantes (oui, oui, ce mot existe) qui m’entourent m’ont confirmé que durant leur premier trimestre, elles étaient exténuées. Une de mes amies m’a même dit : « Prépare-toi, c’est pire qu’une mononucléose ! » Heureusement, l’énergie nous revient généralement durant le second trimestre – mais c’est pour mieux faire place à des problèmes d’autres natures (brûlements d’estomac, maux de dos, difficulté à dormir, apparition des premières vergetures et varices, angiomes, etc.) Toutefois, même si vous vous sentez pleine d’entrain, attention de ne pas vous surmener. Vous aurez parfois l’impression de pouvoir tout faire comme avant, mais ce n’est souvent qu’une illusion. Votre corps a effectivement de l’énergie, mais elle est réservée en grande partie au développement du (des) bébé(s). Saviez-vous qu’afin de subvenir au besoin du fœtus, votre volume sanguin augmentera d’environ 50% ? Eh oui, c’est votre ti-cœur qui devra pomper tout ce beau liquide. Il se pourrait donc fort bien qu’après une simple marche de 20 minutes, vous vous sentiez comme si vous veniez de courir un demi-marathon.

Troisième avertissement : Défaites-vous tout de suite de l’image de la femme enceinte super woman qui non seulement poursuit toutes ses activités comme avant mais qui, en plus, est inscrite à un cours de yoga prénatal, à deux séances par semaine d’aquaforme et qui passe ses week-ends à magasiner, en quête des meilleures offres sur les vêtements griffés pour bébés (à ne pas confondre avec les vêtements pour bébés griffés) . Enceinte, on doit apprendre à vivre au jour le jour. On ne peut pas prévoir trop à l’avance ses activités, car on ne sait jamais quelle quantité d’énergie on aura rendue là. Plus on avance dans le processus, plus on a envie de remplacer les après-midis entre chums de filles par des après-midi habillée en mou sur le sofa.

J’aurais encore bien des mises en garde à faire, or, comme mon objectif n’est pas de faire diminuer le taux de natalité déjà trop bas du Québec, dans le prochain billet, je vous promets que je mettrai plutôt en lumière quelques joies liées à la grossesse. En attendant, mesdames, n’oubliez pas de prendre votre pilule contraceptive avant de vous coucher ce soir.  

2 commentaires:

  1. Bonsoir Mélissa! Depuis ton dernier billet sur le blogue d'Urbania, je me suis tournée sur ton blogue, puisque j'aime ta plume. Ce dernier message m'a beaucoup fait rigoler, alors que je suis habillée en mou sur mon divan. Bonne continuation pour ta grossesse et au plaisir de te lire.

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  2. Salut Nadia! Très contente que tu m'aies suivie jusqu'ici. Disons que le ton n'est pas le même sur les Chroniques lévisiennes et sur le blogue d'Urbania, mais j'ose espérer que ma plume continue de te plaire, même dans cet environnement un peu plus intimiste :) Merci pour les bons commentaires, n'hésite jamais à laisser ta trace ici; trop peu de gens osent le faire!

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