Nous voilà de retour en Italie, F., les triplettes et moi,
pour un séjour de cinq semaines. C’est la troisième année de suite que nous
passons une partie de notre été au pays du prosciutto. Plusieurs nous demandent
comment nous faisons pour nous payer d’aussi longues vacances, mais il faut
savoir que pendant ce temps, je continuerai de travailler à distance. De plus,
la famille de F. nous aide à payer les billets d’avion pour les enfants et ici,
comme nous sommes logés, nos dépenses sont plutôt limitées. Bref, n’allez
surtout pas croire que je suis devenue riche à la suite de la publication de
mon dernier livre (bien au contraire – mais ça, c’est une autre histoire.)
Je précise tout ça non pas parce que je me sens obligée de
justifier mon mode de vie et les décisions que je prends, mais plutôt pour
faire valoir une chose : ça ne sert à rien de jalouser les gens, d’envier
ce qu’ils possèdent ou de penser que leur existence est plus agréable et facile
que la sienne. C’est généralement faux. La vérité, c’est que chacun fait des
choix, possède une échelle de priorités et se débrouille avec ce qu’il a.
Oui, il s’avère que quelque part en 2009, j’ai rencontré un
Italien, que j’ai ensuite marié et avec qui j’ai eu trois magnifiques filles.
Grâce à cette union, j’ai beaucoup voyagé dans la péninsule italienne et je
continue de le faire. Mais il y a en contrepartie un tas de trucs que je n’ai
jamais faits ou qui sont plus compliqués à réaliser pour ma famille
mi-québécoise, mi-italienne que pour la majorité des familles « pure laine »
(en admettant qu’un tel concept de pureté puisse réellement exister). Je n’ai
pas l’intention de m’étendre sur ce sujet en particulier aujourd’hui, mais en
tant qu’immigrant, F. ne l’a pas toujours eue facile, loin de là. Et il est marié
à une Canadienne, alors je n’ose même pas imaginer à quel point ça peut être complexe
pour un ressortissant « 100% » étranger (notez les gros guillemets
ici, puisque je ne crois pas qu’il y ait des gens plus étrangers que d’autres –
nous sommes tous l’étranger de quelqu’un, de toute façon).
De l’extérieur, il est facile de juger la situation des
personnes qui nous entourent, de croire que certaines d’entre elles ont tout
cuit dans le bec, que d’aucunes sont privilégiées ou que ce sont toujours les
mêmes qui ont tout. Mais que savons-nous réellement du chemin qu’ont parcouru
ces gens pour arriver là où ils sont?
Le raisonnement fonctionne à l’inverse aussi, c’est-à-dire
qu’on peut très bien l’appliquer à notre manière de percevoir ceux qui n’ont
rien. Les sans-abri, les réfugiés, les assistés sociaux, les malades (surtout
mentaux), etc. : nous sommes toujours prompts à les rendre responsables de
leur déchéance, à justifier leur misère par leur mauvais comportement, leur
manque de prudence, leur incapacité à prendre les bonnes décisions. Mais que sait-on
de ce qui les a menés là où ils sont, des souffrances qu’ils ont endurées, de
la malchance qui s’est abattue sur eux à répétition? Rien. Ou si peu. Que ce
soit par rapport aux personnes bien nanties qui roulent supposément sur l’or et
qu’on envie jalousement ou à celles que nous détestons plus ou moins
silencieusement sous prétexte qu’elles sont faibles et qu’elles se font vivre
par le reste de la société, dans les deux cas, si l’on prenait davantage la
peine de les écouter, d’apprendre à les connaître, elles et leur histoire, on
serait certainement moins enclin à les juger et à les croire si différentes de
soi.
C’est drôle, ce n’est pas du tout de ça que je voulais
parler aujourd’hui pour inaugurer ce blogue (après deux ans de mutisme, je
pense qu’on peut bel et bien parler d’inauguration!) Mais je me rends compte
que ces considérations sur la perception que nous avons d’autrui me hantent et
sont rattachées à plusieurs sujets qui font chaque jour les manchettes.
Le rejet du projet de cimetière musulman par les gens de Saint-Apollinaire,
la crise des migrants qui va en s’empirant partout en Europe (mais surtout
en Italie), voire le
comportement erratique de Donald Trump ont tout à voir avec cette
méconnaissance de l’Autre et la peur qui s’en suit. Comme un cancer, cette peur
s’installe en vous, grandit et gruge tous les bons tissus dont vous êtes faits
– l’amour, la tolérance, l’ouverture, la bonne foi, la générosité, elles y
passent toutes. Vous devenez des êtres fermés, obtus, radins, bornés et
suspicieux. Et vous finissez par ne faire confiance qu’aux gens qui vous
ressemblent (du moins, en surface). Ainsi naissent les groupes comme les Proud
Boys, qui pensent qu’en forçant les jeunes hommes à arrêter de se masturber
(!!), on va éradiquer tous les problèmes de la civilisation occidentale. Eh
bien, par où commencer…
Pour ma part, j’ai décidé de profiter du fait que j’aurai un
peu de temps pour moi au cours des prochaines semaines pour réanimer ce blogue,
que j’utiliserai comme un outil d’échange et de dialogue. Bien à vous, donc, de
l’utiliser à votre tour en y laissant des commentaires (toujours respectueux,
nul besoin de le préciser) afin que ces humbles chroniques deviennent de
véritables conversations. Parce que je pense qu’il est vraiment temps qu’on
recommence à se parler.
Bien d'accord avec toi sur plusieurs des points que tu soulignes ici dont le dernier, la réactivation de ce blogue, n'est pas le moindre! Au plaisir de te lire,
RépondreSupprimerLyne
Au plaisir de te revoir dans les parages, Matantelyne! <3
SupprimerCara Melissa, mi piacciono tanto le tue parole. Forse toccano parti di me in un momento particolare. Eh bien, ognuno ha le sue priorità, che dall'esterno possono non essere comprensibili, così come può essere che la realtà di ciascuno sia differente da quel che appare, e che quel che si vede sia la risultante di un cammino di cui non sappiamo niente.
RépondreSupprimerChe l'invidia muova molti commenti sprezzanti e negativi, è cosa certa.
Ho abbandonato Le vois de la disparition perché faccio fatica a leggerlo, ma mi ci metterò d'impegno perchè leggerti è troppo un piacere ��
Cara Alice,
SupprimerSono contenta di leggerti qua! Non vedo l'ora di vederti sta sera. Spero che avremmo il tempo di chiacchierare un po', così mi spieghi perché queste parole ti toccano particolarmente adesso :-)
So che non è sempre facile leggere in una lingua che non è la nostra lingua materna, ma dai che sei bravissima in francese! Mi piacerebbe molto avere la tua impressionne su "Les voies de la disparition".