lundi 18 août 2014

Les commissions, les toutous et tout ce qui ne va pas dans la sécheuse


Depuis que je suis mère, j’ai l’impression que ma vie se résume à une chose : faire des commissions.

Il y a quelques semaines, avec F., nous nous sommes rendu compte que lorsque nous n’étions pas en train de faire à manger, de nettoyer la nourriture qui s’était ramassée partout sauf dans la bouche de nos enfants, de passer le balai ou la mope, de laver la salle de bains, de partir une brassée, de plier une brassée, de tenter d’endormir notre progéniture insomniaque ou de nous endormir nous-mêmes (ça devient difficile, parfois, quand tu es trop fatigué, de trouver le sommeil), nous étions généralement en train de faire des commissions.

Il nous arrive bien une fois de temps en temps de faire autre chose – nous taper quelques épisodes de séries télé, lire un livre (à un rythme de 200 pages par mois, genre), faire une sortie au musée ou dans un autre endroit family-friendly –, mais ce sont des exceptions à la règle de notre quotidien : mange, torche, sors-faire-des-commissions.

Si seulement je pouvais vendre un million d’exemplaires du livre ayant pour titre ce qu’est devenue ma vie.

Va à l’épicerie, dépense 200$, retourne-y trois jours plus tard parce qu’il ne reste déjà ni fruits ni légumes, passe chez Jean-Coutu faire le plein d’eau de mer pour les nez bouchés et de serviettes sanitaires pour les femmes menstruées (tout en ayant une pensée pour le jour où vous serez quatre dans la maisonnée à devoir vous padder le fond de culotte), fais un détour par la SAQ parce que le vin est ton antidépresseur préféré, bifurque par le Comptoir des infortunés de la Rive Sud parce qu’il y a beaucoup plus mal pris que toi dans la vie et qu’à la vitesse à laquelle grandissent tes trois gamines, des sacs de vêtements à donner, tu en remplis toutes les deux semaines, va chez Sears acheter de nouveaux outfits parce que t’sais, maintenant que t’as tout donné ce qu’elles avaient, faut ben que tu leur trouves autre chose à porter, va à la quincaillerie pour acheter le bidule qui manque pour réparer la gogosse qui gosse, arrête faire le plein d’essence, bifurque par la lunetterie pour faire ajuster les lunettes de Léa l’intello (sérieux, c’est surprenant ce que peut faire un enfant de deux ans avec ses lunettes), rends-toi au bureau de poste pour récupérer le colis que le facteur n’a pas cru bon te remettre en main propre même si tu étais à la maison toute la journée (c’est sûr que quand on cogne à la porte pour savoir si les gens sont là, on a plus de chances d’obtenir une réponse), fais un bond chez Uniprix parce que c’est là que l’eau de mer est en spécial cette semaine (on est vraiment des maudits gros consommateurs d’eau de mer, ouais), traverse de l’autre côté du pont, file chez Costco et va remplir deux paniers de pots d’olives format géant (tes filles ont une étonnante dépendance aux olives), de pains, de deux-trois plats préparés (depuis que t’es mère, t’as la définition du homemade un peu plus large qu’avant), de couches, de vêtements, mais pas de livres parce que tu défends les librairies indépendantes, alors va encourager ta librairie préférée et achète des bouquins pour les petites et quelques romans pour toi, au passage, que tu mettras quinze ans à lire avec ta médiocre moyenne de 200 pages par mois.

Je vous ai épargné les sorties au dépanneur pour acheter du lait le lundi matin parce qu’évidemment, on oublie toujours de regarder la veille s’il nous en restera assez pour les céréales.

Bref, ma vie se résume pas mal à faire des commissions.

Quand on s’est mis à réfléchir au problème, avec F., on a dû faire un constat plutôt troublant : notre existence avait l’air de ça avant aussi, même sans enfants dans les parages. OK, nous allions plus souvent au cinéma, nous faisions davantage de bonnes bouffes entre amis et il nous arrivait de sortir dans un bar pour prendre un verre, cependant, le reste du temps, nous commissionnions. C’est donc dire que le mange-torche-sors-faire-des-commissions serait davantage le symptôme de notre société de consommation, de notre mode de vie de banlieue (mode de vie que plusieurs citadins adoptent sans pourtant habiter le territoire dit banlieusard) et de notre insatiable soif de toujours avoir plus, de toujours avoir mieux.

L’autre chose que j’ai remarquée depuis que je suis génitrice, c’est que beaucoup de personnes, pourvues d’intentions absolument louables, veulent faire de petits cadeaux à tes flos et ne savent souvent pas quoi leur offrir, alors elles leur achètent des toutous.

C’est mignon, les toutous, c’est attendrissant, les toutous. Toutoutefois, ça prend de la place en maudit. Pis ça ne sert pas à grand-chose – les enfants ont généralement un ou deux toutous préférés, les autres, ils s’en sacrent éperdument. C’est la triste réalité des toutous. Et cette réalité-là, elle est également symptomatique de notre société de consommation. Elle va de pair avec le mange-prie-sors-faire-des-commissions, puisqu’il faut bien aller quelque part pour se les procurer, ces maudits tas de mousse faits en Chine. Et qu’il faut bien aller quelque part pour s’en débarrasser (sans que les mômes ne s’en aperçoivent, car bien qu’ils aient une seule peluche qui leur tienne véritablement à cœur, ils deviennent soudainement amoureux des autres membres de la collection lorsqu’on menace de décimer celle-ci parce qu’on est écoeuré de faire des brassées de toutous chaque fois qu’un putain de virus rentre dans la maison).

On va se le dire, un toutou qui a tumblé dans la sécheuse, ça fait pitié. Pis nous aussi, des fois, on fait pitié, avec nos First World problems.






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