jeudi 10 octobre 2013

J'ai trente ans depuis si longtemps



Hier, je fêtais mes trente ans. Pour l’occasion, j’ai passé la majeure partie de ma journée à l’hôpital avec mes filles, car elles avaient des rendez-vous de suivi avec des spécialistes. Le gros high light de ma journée a été de boire une demie bouteille de vin rouge au repas. Un soir de semaine, imaginez comme je suis wild. Il n’était pas très bon en fait. C’était un Bourgogne, que j’avais choisi moi-même, je ne sais pas trop pourquoi, puisque je préfère les italiens. Ils sont moins acides. Enfin, quand je dis que j’ai fêté, vous comprenez tout de suite que j’exagère.

J’aurais plutôt dû dire « Hier, j’ai eu trente ans. » Point.

À vrai dire, j’ai l’impression que j’ai eu trente ans il y a déjà longtemps. Avec tout ce qui s’est passé dans ma vie au cours des dernières années, je crois que mon corps, mon cœur et ma tête ont vieilli en accéléré. Ce que je célébrais hier, c’était un chiffre, cependant, l’état d’esprit qui vient normalement avec, il y a des lustres que je l’avais atteint.

Le 9 octobre 2013, c’était donc une journée comme les autres. Plus on vieillit, plus les anniversaires deviennent des journées comme les autres, j’imagine. On n’est pas pressé de se faire rappeler que nous avons un tour de plus au compteur ni que notre face affiche sans cesse plus de rides et autres marques du temps. On n’en fait plus un plat si les gens oublient de nous appeler ou de nous envoyer une carte. On se contente des cinquante messages de semi-inconnus sur notre babillard Facebook et on se dit qu’au fond, on n'en a rien à foutre.

C’était ainsi que je me sentais hier en tout cas. Je m’en foutais. Sincèrement. J’ai déjà souvent fait semblant de ne pas être concernée par des choses qui en fait me touchaient, mais là, ce n’était pas du fake. Je n’en avais cure. Ce qui fait en sorte que j’ai passé l’un des plus beaux anniversaires de ma vie. Même si je me suis couchée à 21h45, que j’ai dû me taper les hôpitaux et ce con dans le stationnement qui ne comprenait pas ce que signifiait « sens unique ».

C’était le plus bel anniversaire de ma vie parce que j’étais entourée de ceux qui comptent le plus au monde pour moi. Mon mari, mes enfants. Nous sommes heureux ensemble. Nous formons une famille unie, ricaneuse, curieuse, amoureuse. Que pourrions-nous demander de plus ? Que pourrais-je exiger d’autre comme cadeau d’anniversaire ? Un cadeau qui s’offre à moi tous les jours, qui plus est.

Je dois sonner ultra kitsch. Et ça aussi je m’en fous. Le cynisme, j’en ai marre. Je laisse les autres s’amuser à trouver ridicules les bonheurs simples. À partir de maintenant, pour ma part, ce sont uniquement ces plaisirs que je chercherai à cultiver.

J’aimerais avoir plus de temps pour voir mes amis. Je me suis involontairement éloignée de plusieurs d’entre eux depuis que j’ai eu mes triplées, pour des raisons qui m’apparaissent évidentes et qui n’ont rien à voir avec un quelconque manque de loyauté, de reconnaissance ou de respect. J’aimerais pouvoir sortir le vendredi ou le samedi soir, aller au cinéma ou prendre un verre entre copines. Dans ma vie actuelle, ça ne se peut pas. J’aimerais être assez en forme et avoir suffisamment d’argent pour faire du sport plus sérieusement, aller plus souvent au musée, recommencer à aller au théâtre, lire davantage, acheter plus de livres et de musique, cuisiner toutes ces recettes que je me suis un jour promis d’essayer. Ce n’est pas possible. Pas pour l’instant. J’aimerais pouvoir mettre davantage d’énergie dans ma carrière, écrire encore plus, trouver de nouvelles voies pour exercer l’écriture, en vivre. Je dois remettre ça à plus tard. Il y a bien quelques moments où cela me pèse, de ne pas toujours pouvoir faire ce dont j’ai envie quand j’en ai envie. Mais honnêtement, la majorité du temps, cela ne me cause pas problème.

Car je suis riche d’une richesse unique et inestimable qui fait de moi une des femmes les plus chanceuses au monde. Je suis entourée d’amour. Encore du quétaine. Eh oui. C’est cet effet que me cause la trentaine. Je deviens fleur bleue. Et j’emmerde tous ceux qui croient qu’être romantique, ou tendre, ou sentimentale, ou simplement heureux, c’est signe de faiblesse ou de manque d’intelligence – car notre monde déborde de ces gens qui se pensent plus intelligents que les autres parce qu’ils détestent la Saint-Valentin, Céline Dion et tout ce qui rend heureux le supposé petit peuple et parce qu’eux, ils sont anxieux, vivent des amours compliqués et lisent de la vraie poésie.  

Bref, j’aborde (ou, du moins, je tente d’aborder) la trentaine avec sérénité et optimisme (à part en ce qui concerne ma hargne des cyniques finis, que voulez-vous, j’ai encore du travail à faire !). J’essaie de ne plus me mettre de pression, de me concentrer sur ce qui est essentiel et qui me fait du bien. Donc oui, il y a aussi un peu d’égoïsme dans ma manière d’accueillir cette nouvelle décennie. Je compte bien penser à moi et prendre mon temps. Prendre mon temps pour me remettre complètement sur pieds, prendre mon temps pour faire des choses en apparences inutiles qui ne servent aucun but précis, prendre mon temps pour ne rien faire du tout.

Tout à l’heure, j’ai fait une sieste d’une heure et demie en même temps que mes filles. Léa pleurait, elle s’est endormie dans mes bras, tandis que les deux autres dormaient paisiblement dans leur lit. La maison était calme. C’était le bonheur.

Je veux que ma vie de trentenaire ressemble à cela. À une maison dont les résidants sont occupés à se reposer par un bel après-midi d’automne.


2 commentaires:

  1. Je dépasserai sous peu la mi-trentaine... Et je dirais que c'est dans cette trentaine, avec ma meute et ma vie plate et rangée, que j'ai trouvé le bonheur. Dans les choses ordinaires. J'ai arrêter de chercher ZE bonheur et j'ai regarder tout les petits bonheurs partout autour de moi, parce que je crois honnêtement qu'il est là le bonheur!

    Ma meute grandit doucement, mon bebe aura 3 ans dans un avenir assez près et je retrouve doucement ces choses qui me manquaient par moment. Avec le recul, ce n'est qu'un moment a passer, que je ne regrette pas.

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  2. Fonder une famille change clairement toute la perception qu'on pouvait avoir du bonheur. Dans mon cas, ça a été assez drastique comme changement - passer de 0 enfant à 3 tout d'un coup, ça te modifie une existence en pas pour rire! -, mais bien que je trouve encore ça très dur parfois, je réalise que je ne retournerais pas en arrière et je suis convaincue que ce qui m'attend devant ne sera que toujours plus beau.

    Merci pour tes commentaires, Ge Sirois. :)

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