jeudi 1 novembre 2012

Les petits monstres


Par où commencer ? Je ne trouve plus le début. D’où partir pour réussir à exprimer mes pensées ? Je les accumule depuis trop de jours, trop de mois, sans jamais avoir le temps de les formuler, les digérer, les rendre au monde. Elles forment maintenant un amalgame pêle-mêle et douloureux, une boule d’angoisse dure et opaque.

À trop retenir les mots, on finit par créer des monstres.

Mon état d’esprit n’a pas beaucoup changé depuis la dernière chronique laissée sur ce blogue. Au mieux a-t-il empiré. Je me sens dégénérer, craquer, exploser. Si la folie était liquide, on pourrait la voir suinter de mes pores, laisser des traces gluantes sur le sol après chacun de mes pas. On pourrait croire que j’ai chaud, que je sue, que c’est normal, avec trois bébés, il faut courir à gauche et à droite, des journées aussi remplies, ça vous élève une température corporelle, mais non, cela n’a rien à voir avec la fièvre des horaires trop chargés. Je ne suis pas simplement débordée : je suis dépassée.

Je ne suis pas seulement la mère de trois petites filles : je suis une femme exténuée qui ne comprend plus ce qu’elle doit faire pour que sa vie redevienne vivable.

Aujourd’hui, F. m’a intimée de rester à la maison pour prendre du temps pour moi, tandis que lui est retourné à l’hôpital prendre soin de Léa, Alice et Béatrice. Parce que oui, elles sont encore à l’hôpital. Elles sont nées le 18 avril 2012 ; nous sommes le 1er novembre, plus de six mois après leur naissance, et entre les deux, elles ont passé à peine un mois avec nous à la maison.

Nous sommes le 1er novembre, jour des morts. Jour des sous-la-terre, jour de ceux pour qui s’est terminé depuis longtemps, jour des corps qui se reposent. Faut-il attendre la mort pour avoir deux minutes à soi ou cela est-il possible un peu avant ? Parce que je n’ai pas pour projet de mourir bientôt, or, j’aurais vraiment, mais alors vraiment besoin de repos.

Mes petits monstres, je les aime, d’un amour brûlant et inexplicable, toutefois, en ce moment, je n’aurais aucune gêne à les laisser au plus offrant. Je m’abstiendrai évidemment de dire à l’acheteur que le modèle vient avec quelques petits défauts de fabrication, que ceux-ci devraient s’estomper avec le temps mais que d’ici là, faudra endurer les demoiselles comme elles sont. Malheureusement, la DPJ et la Protection du Consommateur n’ont toujours pas conclu d’entente et il n’existe aucune garantie prolongée sur les bébés.


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