Aucun mode d’emploi n’existe pour nous
détailler la meilleure manière d’élever des enfants. C’est une chose qu’on doit
apprendre « sur le tas ». Il existe une trâlée de livres de
psychologie populaire pour nous renseigner sur la façon dont on devrait leur
apprendre à faire ceci ou cela, des bouquins boboches sur les relations
père-fille manquées, des tonnes de Coups de cœur Renaud-Bray pour nous
conforter dans nos angoisses de parents perfectionnistes ayant mis au monde des
enfants pas du tout parfaits. En vérité, aucun de ces ouvrages ne peut
réellement nous aider à devenir une bonne mère ou un bon père. On doit se
construire seul. Apprendre de ses erreurs, faire preuve de gros bon sens et
espérer que ses maladresses ne laisseront pas trop de séquelles dans la vie de sa
progéniture.
Aucun
livret explicatif ne vient avec ses bébés, cependant, une certaine dose de
logique et un instinct bien développé peuvent être d’un grand secours dans
toutes sortes de situations. Devrais-je acheter un iPad à mon enfant de six
ans ? Est-ce adéquat pour mon bambin de 18 mois de passer ses journées
scotché au téléviseur ? Est-ce une bonne idée de donner des chips comme
collation à mon p’tit pou de quatre ans ? Ma fillette de huit ans veut
porter des g-string ; devrais-je succomber à ses supplications et lui en
acheter un paquet de dix au Walmart ? On ne sait jamais à 100 % si on
prend la bonne décision, mais il y a certainement des choix plus sensés que
d’autres.
Toutefois,
j’ai l’impression que nous vivons dans un monde où une (grande?) partie des
parents ont perdu leur GBS. Beaucoup de mamans et de papas se laissent mener
par le bout du nez par leurs enfants, ils accusent leurs éducatrices à la
garderie ou leurs professeurs d’école de ne pas les éduquer convenablement
alors que c’est à eux que cette tâche incombe, ils gèrent leur relation avec
leurs enfants en appliquant les lois du marché. Je suis tombée sur cet
article plus tôt cette semaine, dans la section « Insolite » du
journal, qui nous parle des cours de la bourse sur le marché des dents de lait.
En gros, on y raconte qu’aux États-Unis, la Fée des dents est de plus en
plus généreuse et que certains enfants reçoivent jusqu’à 100 $ parce
qu’ils ont perdu une canine – comme si c’était un exploit. Les pauvres parents
vivent un stress indescriptible parce qu’ils ne savent plus quel montant vaut
une molaire et comment agir lorsque leur plus jeune se retrouve édenté. Cinq
dollars, c’est-tu assez ? Qu’est-ce que ses amis vont penser s’ils
apprennent qu’on lui a donné JUSTE deux piastres pour sa dent ? Ils vont
sûrement le juger et le rejeter. On ne voudrait pas que son enfant soit
ostracisé parce que la Fée des dents n’a pas été assez généreuse avec lui, donc
on va lui donner 20 piastres.
ON
ME NIAISE ? Depuis quand la Fée des dents est sujette à l’inflation et ses
prix sont-ils influencés par les cours de la bourse ? Les parents sont-ils
rendus à ce point faibles qu’ils ne sont même pas capables de faire comprendre
à leurs descendants qu’une dent de lait, ça vaut une piastre, pas plus, pis
qu’ils peuvent même se compter chanceux de recevoir un beau dollar tout rond
parce que sérieusement, perdre une dent, ça n’a rien d’extraordinaire ? La
légende de la Fée des dents, c’est cute. Je n’ai rien contre cette mignonne
fable qu’on raconte aux garçons et aux fillettes pour leur faire oublier qu’ils
ont du sang plein la gueule, au contraire. Tant qu’elle reste en dehors des
préoccupations mercantiles qui gèrent le reste de nos vies. C’est comme pour le
Père Noël : c’était une charmante histoire avant que Coca Cola ne s’en
empare et n’en fasse une excuse pour dépenser la moitié de son salaire annuel
en cadeaux futiles.
J’ai
peur pour mes filles parfois. Parce que F. et moi, on essaye de les éduquer
selon des valeurs qui semblent désuètes. On essaie déjà de leur inculquer les
sens du devoir et du partage, la patience. Elles sont un peu jeunes pour
comprendre qu’elles ne peuvent pas tout avoir tout de suite, mais on finira
bien par leur faire réaliser. Cependant, si c’est vrai que les parents
d’aujourd’hui éduquent leurs enfants comme ce qu’on prétend dans les journaux
et dans les émissions télé, quand elles commenceront l’école, elles risquent
d’avoir un choc. Je peux déjà présumer qu’elles seront jugées, ridiculisées et
tout le tralala parce qu’elles ne feront pas comme tous les petits amis de leur
classe. Elles n’auront pas de cellulaire en maternelle, elles ne me parleront
pas comme un adolescent parle à sa gang de chums, elles ne s’habilleront pas
comme la Miley Cyrus de leur époque, ne seront pas autorisées à regarder la
télévision jusqu’à 22 heures ni à chatter avec leurs amies pendant des heures
alors qu’elles n’ont que huit ans. Et elles ne recevront certainement pas
100 $ parce qu’elles se sont arraché la palette. Il n’en est pas question.
Est-ce
moi qui suis déconnectée et pas assez de mon temps ? Ai-je tort de croire
que j’ai vécu une enfance heureuse loin d’Internet, des téléphones intelligents
et de la tv câblée et que mes filles devraient en faire tout autant ?
Est-ce légitime de penser que mes filles, comme moi je l’ai fait, devront
travailler pour obtenir quelque chose, apprendre à économiser leurs petits
sous, tout faire pour mériter les récompenses qu’on leur offrira ?
Apprendre à argumenter, aussi. À demander les choses poliment, puis, si je les
leur refuse, à m’expliquer à l’aide d’au minimum trois bonnes raisons pourquoi
je devrais changer d’avis selon elles. Pourquoi cela est-il essentiel que la
Fée des dents leur donne un billet de 20 ?
À
vrai dire, je suis convaincue qu’elles aussi ne trouveront pas ça normal que la
valeur marchande des dents de bébé soit rendue aussi élevée. Parce qu’élevées,
elles, elles le seront.
Ah ah ah! Toi aussi, tu trouves ça? eh ben, nous aussi des fois on se pose des questions sur la discipline et l'éducation. D'une certaine manière, à force de devoir répéter, donner des punitions, féliciter quand il réussit à demander poliment, on se dit qu'on comprend pourquoi certains démissionnent. C'est tout un travail.
RépondreSupprimerMais en même temps, on en est heureux quand on sort avec lui et qu'on passe du bon temps au restaurant, en visite ou en voyage parce qu'il est capable d'agir en société. Et on a le goût de recommencer et de l'apporter avec nous encore. :)