La
vie est un grand dilemme : faire une chose ou son contraire, dire oui ou
non, partir ou rester, essayer de se battre ou se laisser abattre. Opter pour
un objet plutôt qu’un autre, c’est faire le deuil de ce dernier, assumer
que notre existence se poursuivra sans lui. Pour plusieurs personnes (une
majorité ?), faire des choix est une épreuve difficile pour cette exacte
raison : elles ont de la difficulté à accepter qu’on ne puisse pas avoir
le beurre et l’argent du beurre, comme le dit le vieux dicton de maman qui a toujours raison et qui fait donc chier. J’ignore si le
syndrome du
« j’ai-peur-de-tout-rater-de-me-tromper-de-prendre-la-mauvaise-décision-et-de-passer-à-côté-d’une-grande-occasion »
est typique de notre époque, nourri entre autres par les réseaux sociaux et
autres applications disponibles sur nos téléphones intelligents, mais je
l’observe fréquemment – chez moi la première.
J’ai peur de
choisir. Une fois que le choix est fait, je l’assume généralement très
bien ; je ne suis pas du genre à entretenir des tonnes de regrets. Ce n’est
donc pas le « après » qui me pose problème, mais le
« avant ». Les périodes précédant une prise de décisions en sont de
grandes angoisses. Comme il nous faut faire des choix au quotidien, nul besoin de
préciser que je vis perpétuellement dans une forme ou une autre d’anxiété…
Objectivement, je
trouve moi-même cette peur ridicule, mais je n’y peux rien, elle est plus forte
que moi et revient sans cesse. Comme n’importe quelle autre peur. Me demander
d’arrêter d’angoisser au sujet du futur serait comme me demander d’arrêter
d’avoir le vertige. J’aimerais ne pas craindre les hauteurs tout comme
j’aimerais ne pas avoir le cerveau qui s’englue dans les scénarios catastrophes
et les questionnements inutiles par rapport à demain et à la journée suivante, toutefois, à part vivre sous hypnose pour le
reste de mes jours, j’ignore comment je pourrais bien y parvenir.
Il y a deux mois
environ, je suis allée chez l’ostéopathe et à la fin du traitement, elle
m’avait dit un truc du genre : « C’est comme si une partie de ton
corps allait dans une direction et que l’autre partie tirait en sens
opposé. » Même mon corps vit le dilemme, le supporte, le métabolise,
l’exprime. Bref, je suis loin de la zénitude.
Un de mes plus grands
déchirements est de nature continentale :
avec F., nous ignorons sur quel continent nous avons envie de nous établir.
Nous sommes littéralement divisés entre le Québec et l’Italie, constamment en
train de trouver des raisons pour nous établir d’un côté ou de l’autre de l'océan,
contredisant nous-mêmes nos propres arguments chaque deux semaines. Nous savons
pertinemment qu’il n’existe pas d’endroit parfait, que le pays idéal est, par
définition, inaccessible ; nous désirons simplement poser nos pénates dans le
lieu qui nous convienne le mieux, qui nous ressemble le plus. Comment prévoir où nous serons le plus heureux – ou le moins malheureux ?
(Je n’aime pas trop les concepts de bonheur/malheur, mais je ne trouve pas
de meilleurs termes pour expliquer l’idée.) Notre réflexion à ce sujet est un
long combat entre la tête et le cœur. Car bien souvent, ce que nous dit la première entre en totale contradiction avec ce que réclame le second.
Il y a des jours où
je me dis qu’il serait plus simple d’aller nous installer dans une tierce
contrée : déjouer l’équation en ajoutant une variable tout à fait
imprévisible. Du type déménager au Costa Rica, aller faire de l’aide
humanitaire au Burkina Faso ou prendre un billet aller simple pour l’Australie.
Ce dont je rêve, en fait, c’est d’une île au beau milieu de l’Atlantique, à
équidistance entre Carpi et Lévis. Il me semble que seul ce paradis invisible
sur les cartes nous permettrait d’atteindre l’équilibre véritable entre espoir
et réalité, avenir et passé, ici et là-bas.
Peut-être me
faudrait-il appliquer cette méthode à tous les dilemmes auxquels je suis
confrontée : pâte ou pizza ? Omelette. Gauche ou droite ? Devant.
Rose ou bleu ? Jaune. Contourner la peur de se tromper en empruntant un
chemin qui n’apparaissait même pas dans les plans.
C'est effectivement toujours un grand questionnement. Je vis à peu près la même angoisse. Finalement, c'est un peu comme si notre pays idéal est constitué d'un pays qui n'existe pas: mélangeant le Québec et l'autre pays de notre coeur. Je me dis que je prends des décisions, mais que je reste ouverte aussi à ce que la vie propose. Comme toi, je ne regrette pas mes choix, mais quand peut-on dire qu'on est vraiment dans "l'après"? Quand j'aurai 80 ans, peut-être que je me dirai que tous mes choix ont été faits (et même là...), mais maintenant, à 35 ans, l'après n'est jamais tout à fait "après" le choix longtemps. ;)
RépondreSupprimer