Nous rentrons au Québec demain après un mois en sol italien. Comme le laissait entendre mon dernier billet de blogue, F. et moi vivons constamment avec le dilemme suivant : voulons-nous nous installer définitivement en Italie ou au Québec ? La bonne réponse à cette question n’existe pas, nous le savons très bien. C’est d’ailleurs ce qui rend le choix difficile, puisque personne ne peut nous aider à le faire en nous donnant des indices sur ce qui serait plus logique ou acceptable. Il n’en tient qu’à nous de bâtir la vie qui nous convient.
Pour nous aider dans
notre décision, si nous tenons absolument à être « raisonnables » (ce
qui n’est pas nécessairement le cas, je tiens à le spécifier), nous pourrions
dresser une liste des pour et des contre, des avantages et des désavantages à
être d’un côté ou de l’autre de l’océan. À la veille de notre grand retour à Lévis,
j’ai eu envie de dresser une telle liste, un peu pour rigoler, un peu parce que
l’exercice est intéressant.
(Avertissement : cette liste contient des arguments plus sérieux que d’autres.)
(Avertissement : cette liste contient des arguments plus sérieux que d’autres.)
Pour l’Italie
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Le vin.
Ai-je besoin d’ajouter autre chose ?
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La qualité
de la nourriture. Le climat du pays permet à ses habitants de cultiver
eux-mêmes à peu près tous les fruits et légumes qu’ils consomment. Nul besoin
de préciser que cela fait en sorte que les produits goûtent dix fois meilleurs
que lorsqu’ils ont dû parcourir 5000 km pour arriver jusqu’à nous…
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Étrangement,
ici, lorsqu’on met les choses au frigo, même si on ne les emballe pas bien et
qu’on omet de les recouvrir d’une pellicule plastique, elles ne sèchent pas et
sont encore fraîches après quelques jours. Je dois avouer que je n’ai pas trouvé
d’explications scientifiques plausibles à ce phénomène étonnant. Pourquoi quand
je mets un casseau de fraises « tout nu » dans mon frigo au Québec,
les fruits sont tout rabougris le lendemain, tandis qu’ici, ils sont encore
fermes et appétissants ? Boh.
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L’été.
Ici, l’été existe encore. Chez nous, on l’attend neuf mois par année et, le
reste du temps, on chiale parce qu’il n’est pas à la hauteur de nos attentes.
Ici, il fait peut-être un peu trop chaud, mais je préfère la canicule à la
pluie une journée sur deux.
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Le système
de santé. L’autre jour, ma belle-mère faisait de la fièvre et soupçonnait que
la bronchite qu’elle avait eue quelques semaines auparavant n’était pas tout à
fait guérie. Comme elle ne pouvait pas se permettre de rater le travail le
lendemain et qu’il fallait qu’elle se remette sur pied le plus rapidement
possible car elle s’envolerait bientôt pour le Québec, elle a écrit un message
WhatsApp à son médecin de famille, lui demandant si elle avait des
disponibilités pour la voir tôt le lendemain matin. Son médecin lui a répondu
« pas de problème, je t’attends demain à 8h. » C’était un dimanche,
il était aux alentours de 22 heures. Je n’en suis pas encore revenue.
Ici, le
système de santé est humain, accessible. Et il n’est pas moins gratuit que le
nôtre… Docteur Barrette, si vous me lisez (ne sait-on jamais) je vous
conseillerais de venir faire un tour au pays du prosciutto afin d’étudier un
peu leur système et de vous en inspirer. Je suis sûre que les contribuables ne
verront aucun problème à vous payer des petites vacances au soleil si c’est
pour vous donner des idées sur comment améliorer notre système de santé de
marde.
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La place
faite aux enfants. Partout. En Italie, il est normal de croiser un enfant avec
ses parents dans un bar. Tandis que ces derniers prennent l’apéro avec leurs
amis, le bambin joue avec les autres enfants présents ou se bourre la fraise
dans le buffet gratuit. Les enfants font partie de la vie et on n’essaie pas de
les confiner à des lieux qui leur sont strictement réservés. On n’est pas un
mauvais parent si on couche son enfant passé minuit, parce qu’on a voulu sortir
en ville et qu’on a cru bon l’emmener avec soi. Pas de gardienne ? Pas
grave. L’enfant suivra.
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Obtenir
une place en garderie subventionnée en Italie n’est pas nécessairement plus
facile que chez nous, toutefois, je tiens à mentionner que ceux qui bénéficient
d’une place à l’asilo ont droit, tous
les jours pour le repas du midi, à un antipasto
(entrée), un primo (un plat de pâtes ou de riz), un secondo (un
plat de viande ou de poisson) et un dolce
(dessert). La gastronomie est un art qui s’apprend jeune, quoi.
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Les
bidets. Pourquoi on n’a pas de bidets au Québec ? C’est cool un bidet. Pis
c’est le fun d'avoir le cul propre à toute heure du jour sans devoir sauter
nécessairement dans la douche. Just
sayin’.
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En Italie,
la consommation d’eau est payante. Oui, je mets ça dans les avantages de ce
pays, parce que ça fait en sorte que les gens gaspillent beaucoup moins cette
denrée vitale, alors que chez nous, il y a trop de personnes stupides qui
nettoient leur asphalte avec la ose, dans l’espoir que celle-ci pousse.
Pour le Québec
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À défaut
d’avoir accès à des produits frais à l’année longue et de pouvoir manger du
parmesan délirant, des charcuteries divines ou du vinaigre balsamique vieilli (sans se ruiner, j'entends), au Québec, on peut manger à peu près de tout. Que ce
soit de l’Indien, du Coréen, du Thaï, du Japonais, du Mexicain, du Créole, du
Français, figurent au menu de nos restaurants tout un tas de cultures et de
traditions. C’est une richesse dont on ne se rend pas toujours compte et dont
on finit par s’ennuyer après quelques mois en Italie…
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Au Québec,
les méchants moustiques se contentent généralement d’attaquer les pauvres
humains sans défense lorsque ceux-ci s’enfoncent dans la nature. En Italie, du
moins en Émilie-Romagne, des sapristi de moustiques, il y en a en pleine ville.
À la tonne. Et ils sont voraces. En plus, il n’y en a pas qu’une sorte, mais
bien trois, toutes plus avides de sang les unes que les autres. Les triplettes
se sont littéralement faites dévorer durant leur séjour ici, et ce, malgré les
spray chasse-insectes, les fumigateurs, les chandelles à la citronnelle et
tutti quanti. Bref, vive les moustiques québécois, qui ont compris que leur
place était sur le bord d’un lac.
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Pas de
bidets au Québec, c’est bien dommage, par contre, nos toilettes sont plus
confortables. Et, surtout, elles sont conçues de manière à ce que lorsqu’on
fait caca, la cuve ne sera pas automatiquement sale. En Italie, dès qu’on fait
un numéro deux, il faut sortir le récure-bol-de-toilette, parce qu’immanquablement,
l’étron laissera une rebutante trace brunâtre dans le fond de la cuvette. C’est
l’angle d’attaque qui n’est pas le bon on dirait. Et la profondeur de la cuve
versus la quantité d’eau qui s’y trouve. En tout cas, ça fait chier. (David L.,
celle-là, elle était pour toi. Parce que tu sais qu’à mes yeux, toutes les
occasions sont bonnes pour parler d’excréments.)
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L’eau ne
se paie pas. Je sais, j’ai dit tout à l’heure que c’était à l’avantage de
l’Italie que l’eau soit payante puisque cela encourageait une consommation
responsable. Mais laissez-moi le plaisir de me contredire un peu. Puis
j’ajouterais ceci : en plus d’être gratuite, notre eau est d’une qualité
hautement supérieure. Nulle besoin d’acheter des bouteilles d’eau en plastique
au Québec, celle du robinet est tout aussi bonne.
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Au Québec,
plusieurs sont frustrés du fait que les taxes municipales augmentent sans
cesse. Mais on doit se consoler parce qu’au moins, il semble qu’elles servent à
quelque chose. À l’inverse, en Italie, je me demande parfois où va l’argent de
ces taxes… Deux exemples : chez nous, les trottoirs sont des
infrastructures municipales construites et entretenues par les villes. Ils sont
uniformes et sécuritaires. À l’inverse, en Italie, l’espace qui sert au
déplacement des piétons et qui est situé entre la rue et le terrain des
particuliers relève de la responsabilité desdits particuliers. Il en revient à
eux d’aménager cette zone et d’en prendre soin. Les mieux nantis et les plus
consciencieux font construire devant chez eux un trottoir digne de ce nom,
généralement en pierres. Les autres s’en foutent et laissent la roche et la
mauvaise herbe entraver le passage des piétons. Côté sécurité, c’est pas super
et côté « plan d’urbanisme », c’est carrément nul.
Autre
exemple : le coût de la collecte des déchets, du recyclage et du compost
est entièrement assumé par les citoyens et il en revient à eux d’engager une
compagnie de ramassage. On peut se plaindre longtemps du maire Labeaume et de
sa mauvaise gestion du Poubelle Gate, mais au moins, à la base, chez nous, le
service est fourni…
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Pour
l’instant, au Québec, nous avons la chance de bénéficier de plusieurs
subventions et crédits d’impôts pour les enfants, ce qui donne un sursis aux
jeunes familles à faibles revenus (dont nous faisons partie, eh oui). Je dis
pour l’instant, car la cure minceur que le gouvernement fait subir à la
majorité des programmes sociaux depuis plusieurs mois laisse présager qu’un
jour ou l’autre, ces subventions subiront elles aussi des coupures.
Toujours
est-il que pour le moment, nous pouvons nous targuer de vivre dans une province
qui soutient les parents afin qu’ils puissent fournir à leurs enfants le
meilleur environnement possible. L’Italie n’a pas une tradition
sociale-démocrate comme celle de la France et, par la bande, comme la nôtre.
Bref, quand je dis aux gens d’ici ce que nous recevons comme montant mensuel pour
nous aider à payer les factures relatives aux enfants, ils n’en reviennent tout
simplement pas…
Pour terminer, je dirais
que tant en Italie qu’au Québec, en ce moment, on coupe dans la culture et dans
l’éducation, dans le but de redresser l’économie, d’alléger la dette nationale
et de satisfaire les critères des banquiers. La rigueur budgétaire, communément
appelée « austérité », fait des ravages partout en Occident. Peu
importe le continent, on met à mal la démocratie, on déshumanise les rapports
entre l’État et les citoyens, on prend aux pauvres pour donner aux riches et on
nourrit le cynisme des masses. Bref, ce n’est pas en fonction du critère
politique que nous devrons prendre notre décision, à savoir si nous préférons l’Italie
ou le Québec, parce que si tel était le cas, le résultat, ce serait qu’on se
construirait une cabane dans le fond d’un bois et qu’on débarquerait
volontairement du système… Cependant, avant de s'enfoncer dans les bois, on prendrait la peine de faire une réserve de vins italiens.