La grossesse est un mensonge. Personne
ne nous dit la vérité au sujet de ce qu’elle implique. Nos mères, nos
grands-mères, nos sœurs, nos amies, toutes celles qui sont passées par là avant
nous omettent de nous révéler de quoi il en retourne vraiment. Non pas par
mauvaise foi, mais par oubli, pur et simple. Tout de suite après
l’accouchement, les femmes semblent déjà avoir oublié ce que c’était de porter
un enfant. Obnubilées par la beauté sans nom de leur poupon fraîchement
expulsé, elles ne pensent plus à la douleur, aux désavantages, aux limites et
aux interdits qui leur étaient imposés ; elles n’ont de yeux que pour leur
progéniture. Les souvenirs désagréables s’effacent magiquement – probablement
grâce à la sécrétion d’une hormone quelconque, puisqu’on ne fait que ça,
produire des maudites hormones, quand on est en cloque.
Pourtant, les aspects négatifs
liés à la grossesse sont légion, et bel et bien réels. Chaque femme vit cette
période d’une manière différente, mais vraiment, y en a-t-il une seule qui
puisse dire que ces 40 semaines ne furent pour elle que pur bonheur ? Si
oui, j’aimerais bien la rencontrer. Qu’on jase, qu’elle me donne ses trucs – ou
ses gènes.
Comme plusieurs (ou est-ce moi qui étais
complètement naïve et dans le champ ?) je croyais que les principaux
désagréments de la grossesse étaient les nausées dans les premières semaines et
les vergetures qui apparaissent vers la fin. Entre les deux, je m’imaginais que
la femme était emplie d’une incroyable plénitude, laquelle se reflète même sur
son visage (ne dit-on pas que la peau des femmes enceintes est
resplendissante ? – on oublie gentiment de mentionner qu’elle est aussi
plus sujette aux boutons…) Dans ma tête de fille non avertie, être enceinte
signifiait avoir le privilège de participer de l’intérieur à la fabrication de
l’existence, établir un lien exceptionnel avec l’enfant à naître, magasiner les
trucs pour bébé avec entrain et dynamisme, portée par l’énergie de la vie qui
se développe en moi. Ha. Ha. Ha. Comme j’ai pu être candide. C’en est presque
rafraîchissant.
D’accord, ma condition est particulière. Porter
trois bébés, ce n’est pas comme en porter un seul. Mais justement, ça, c’est
mon premier « what the fuck » : comment ça se fait que moi,
petite rouquine naïve, j’ai hérité de trois fœtus au lieu d’un, tandis que des
milliers de femmes ont de la difficulté à procréer ? Elles mettent des
années à concevoir un seul bébé, avec l’aide des médecins et des pilules, et
moi, bang ! après un mois de tentative, je me retrouve avec une portée de
trois. Personne ne m’avait dit que ça pouvait se conclure ainsi. Évidemment, je
savais que les triplés étaient un phénomène qui existait, mais ce genre de
naissance multiple est statistiquement si insignifiant qu’on ne pense même pas
que ça puisse nous arriver. Surtout quand on ne fait aucune cure de fertilité.
Mon
premier avertissement, donc : mesdames, ne vous pensez pas au-dessus de
ça. Vous aussi, vous pourriez avoir une grossesse multiple – ne serait-ce que
des jumeaux. Saviez-vous qu’actuellement au Québec, 1 naissance sur 80 en est
une gémellaire ? C’est beaucoup. Vraiment beaucoup. Si vous avez toujours
voulu avoir un seul enfant, pas plus, pensez-y deux fois avant de faire l’amour
sans condom.
Peut-être suis-je légèrement amère en ce moment
parce que depuis ma 21e semaine de grossesse, je suis au repos forcé
et que cela ne fait pas du tout l’affaire de l’hyperactive en moi, mais je me
dois de toutes vous avertir : le repos forcé n’est pas l’apanage des
futures mères de triplés. J’ai découvert que des milliers de femmes étaient
contraintes de demeurer alitées à divers moments de leur grossesse, pour
différentes raisons, et la plupart d’entre elles ne portent évidemment qu’un
seul enfant.
La vérité, c’est que la grossesse est une
expérience de plus en plus médicalisée et que plus ça va, plus les médecins
essaient de prévenir des choses dont, auparavant, on ne se souciait pas, par
manque de connaissances ou de technologies. Quand nos mères et nos grands-tantes
nous disent qu’elles, elles ont lavé leur plancher à quatre pattes jusqu’à 39
semaines de grossesse, ce n’est pas parce qu’elles étaient toutes faites plus
fortes que nous, mais simplement parce qu’elles ne voyaient pas leurs docteurs
aussi fréquemment que nous et que ceux-ci ne pouvaient donc pas, par conséquent,
mettre un frein à leurs élans exagérés. Aussi, devrais-je ajouter que les
futures mamans d’une certaine époque étaient un peu moins dociles (ou apeurées
par le discours médical ?) que nous pouvons l’être aujourd’hui. Par exemple,
ma belle-mère, après quelques semaines de grossesse, avait eu des saignements.
Son médecin lui avait dit qu’elle devrait probablement passer le reste de la
grossesse couchée, pour éviter de perdre son bébé. Après 3 jours, elle n’en
pouvait plus. Elle a décidé de reprendre ses activités normalement, en se
disant que si ce bébé était fait pour vivre, il allait s’en remettre. Quelques
mois plus tard, elle a donné naissance à celui qui est devenu mon mari – un
homme vraisemblablement en santé, puisqu’il m’a confectionné des triplettes. Pour
ma part, si j’ose seulement rester debout 5 minutes pour me dégourdir, car je
n’en peux plus d’être en position horizontale ou semi-horizontale, je me fais
réprimander par ma famille au grand complet, qui me somme de retourner à mon
divan.
Deuxième
avertissement : oui, la grossesse est un phénomène tout à fait naturel,
mais nous vivons à une époque où il n’est plus vraiment possible de le vivre
comme tel – à moins d’être beaucoup plus résistante au discours ambiant que je ne
le suis. Si tout va bien, vous n’aurez « qu’un seul » rendez-vous par
mois durant les premiers mois, puis, vers la fin, ça sera aux deux semaines et,
juste avant le terme, au semaine. Mais du moment que votre grossesse représente
une éventualité de risque, on va vous bombarder de rencontres avec le médecin.
Je vous souhaite donc d’avoir un patron compréhensif – ou de ne pas avoir de job,
comme moi. D’autant plus qu’au-delà du trouble que ça peut représenter de
toujours devoir prendre des congés pour aller à ses rendez-vous, vous allez
être fatiguées. Vraiment fatiguées.
J’ai quelques amies enceintes autour de moi en
ce moment et heureusement pour elles, leurs grossesses sont beaucoup moins
compliquées que la mienne – elles ont la chance d’être normales, disons-le
ainsi. Elles seront donc probablement plus ou moins d’accord avec certaines
choses que j’ai dites ici jusqu’à présent. Toutefois, mon but n’est pas de
parler de l’expérience de la grossesse en général, mais d’être honnête en
décrivant comment cela peut aussi se
passer, en dehors des récits bucoliques parsemés de cui-cui d’oiseaux, de
confettis et de rayons de soleil que nous entendons souvent.
Il y a une chose sur laquelle toutes seront
d’accord par contre : la fatigue. Toutes les prégnantes (oui, oui, ce mot
existe) qui m’entourent m’ont confirmé que durant leur premier trimestre, elles
étaient exténuées. Une de mes amies m’a même dit : « Prépare-toi,
c’est pire qu’une mononucléose ! » Heureusement, l’énergie nous
revient généralement durant le second trimestre – mais c’est pour mieux faire
place à des problèmes d’autres natures (brûlements d’estomac, maux de dos,
difficulté à dormir, apparition des premières vergetures et varices, angiomes,
etc.) Toutefois, même si vous vous sentez pleine d’entrain, attention de ne pas
vous surmener. Vous aurez parfois l’impression de pouvoir tout faire comme
avant, mais ce n’est souvent qu’une illusion. Votre corps a effectivement de
l’énergie, mais elle est réservée en grande partie au développement du (des) bébé(s).
Saviez-vous qu’afin de subvenir au besoin du fœtus, votre volume sanguin
augmentera d’environ 50% ? Eh oui, c’est votre ti-cœur qui devra pomper
tout ce beau liquide. Il se pourrait donc fort bien qu’après une simple marche
de 20 minutes, vous vous sentiez comme si vous veniez de courir un
demi-marathon.
Troisième
avertissement : Défaites-vous tout de suite de l’image de la femme
enceinte super woman qui non seulement poursuit toutes ses activités comme
avant mais qui, en plus, est inscrite à un cours de yoga prénatal, à deux
séances par semaine d’aquaforme et qui passe ses week-ends à magasiner, en
quête des meilleures offres sur les vêtements griffés pour bébés (à ne pas
confondre avec les vêtements pour bébés griffés) . Enceinte, on doit apprendre
à vivre au jour le jour. On ne peut pas prévoir trop à l’avance ses activités,
car on ne sait jamais quelle quantité d’énergie on aura rendue là. Plus on
avance dans le processus, plus on a envie de remplacer les après-midis entre
chums de filles par des après-midi habillée en mou sur le sofa.
J’aurais encore bien des mises en garde à
faire, or, comme mon objectif n’est pas de faire diminuer le taux de natalité
déjà trop bas du Québec, dans le prochain billet, je vous promets que je
mettrai plutôt en lumière quelques joies liées à la grossesse. En attendant,
mesdames, n’oubliez pas de prendre votre pilule contraceptive avant de vous
coucher ce soir.
Bonsoir Mélissa! Depuis ton dernier billet sur le blogue d'Urbania, je me suis tournée sur ton blogue, puisque j'aime ta plume. Ce dernier message m'a beaucoup fait rigoler, alors que je suis habillée en mou sur mon divan. Bonne continuation pour ta grossesse et au plaisir de te lire.
RépondreSupprimerSalut Nadia! Très contente que tu m'aies suivie jusqu'ici. Disons que le ton n'est pas le même sur les Chroniques lévisiennes et sur le blogue d'Urbania, mais j'ose espérer que ma plume continue de te plaire, même dans cet environnement un peu plus intimiste :) Merci pour les bons commentaires, n'hésite jamais à laisser ta trace ici; trop peu de gens osent le faire!
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