C’est peut-être
l’hiver qui s’éternise, c’est peut-être la crise de la trentaine qui dure trop
longtemps elle aussi ; c’est peut-être le fait que j’ai des triplées de
presque trois ans qui me tiennent tête du soir au matin, c’est peut-être la
morosité ambiante, le beau gros cul-de-sac vers lequel nous sommes
collectivement en train de nous diriger, c’est peut-être la haine qui se répand
plus rapidement que la gentillesse sur les réseaux sociaux et ailleurs, mais
maudit que je suis fatiguée. Épuisée. Pu capable.
Je suis de nature
anxieuse. Pas dépressive, plutôt profondément préoccupée par l’état du monde et
ma capacité à m’ajuster à celui-ci. Hypersensible,
diront certains. J’ai passé ma vingtaine à me poser mille questions au sujet de
ce que je voulais faire, de la carrière que je désirais embrasser, du sens que
je voulais donner à ma vie ; je craignais tellement de me tromper. Maintenant,
il m’apparaît plutôt clair que je pratique le seul métier pour lequel j’aie été
conçue et que mon existence trouve son sens toute seule, à la fois dans ce que
j’accomplis professionnellement que dans les rôles que je joue au quotidien – maman,
blonde, amie, sœur, etc. Bref, mes inquiétudes et mes questionnements ne
portent plus tant sur ce que je suis et pourrais être que sur la société à
laquelle j’appartiens avec une honte grandissante.
J’éprouve de plus en
plus souvent l’envie de me retirer du monde et de m’enfermer dans un univers
qui n’appartiendrait qu’à moi, un espace imaginaire où l’intimidation, la
radicalisation et l’austérité seraient remplacés par l’empathie, le compromis
et le partage. J’ai besoin de me protéger, car je suis décidément trop affectée
par toute la méchanceté qui circule, la polarisation des idées et le climat de
peur constante dans lequel on nous plonge. Le cynisme ne suffit plus ; j’ai
besoin de moyens encore plus puissants pour m’empêcher de sombrer dans le
fatalisme. En ce moment, je ne vois pas trop comment tout ça pourrait bien se
terminer. La suite des choses peut-elle être autre que catastrophique ? Je
le souhaite, mais j’y crois de moins en moins.
Quels moyens, donc,
pourraient m’aider à regagner un peu de confiance et de positivisme ?
Après le cynisme, il y a le déni, j’imagine. Je devrai probablement commencer à
faire semblant que certains phénomènes n’existent pas, à me faire croire qu’il
n’est pas trop tard, à agir comme si mes mots et mes gestes avaient
véritablement le pouvoir de transformer la noirceur en lumière.
J’ai toujours pensé
que l’écriture était un moyen d’établir un contact avec les autres, d’engager
un dialogue, d’entrer en communion avec eux. Écrire était un moyen de me
rapprocher du monde. Cela pourrait maintenant devenir la plus belle façon de m’en
extraire.
As-tu lu "La vie habitable" de Véronique Côté? Il y a dans ça les mêmes questions, mais je crois qu'il y a aussi des réponses. Par exemple: "Unis dans le dévouement aux autres et dans le désir absolu d'un monde plus humain, résistons", Ernesto Sabato. Ça me fait du bien de lire ça.
RépondreSupprimerLe déni, oui... Henri Laborit a bien fait l'éloge de la fuite... J'aimerais tellement, des fois, faire partie de ceux qui peuvent. Qui sont capables. Mais je ne crois pas, si j'essayais, que mon déni durerait bien longtemps. J'ai l'âme trop sensible peut-être pour ignorer la souffrance d'à côté. Et on dirait qu'avec le temps, elle devient encore plus sensible. Je pensais qu'en vieillissant, on s'endurcissait. C'est raté.
Tu te demandais si ça faisait du bien que d'autres te disent qu'ils partagent ton sentiment. Oui. J'en suis sûre. Parce que toutes ces petites individualités se reconnaissent et forment alors un collectif. Et un collectif, c'est plus puissant que toutes les petites individualités additionnées ensemble. Tu sais , toi, mieux que quiconque que 1+1=3! :)
Bisous,
Valérie
Tu as raison, Valérie, cela fait un bien réel de savoir que nous sommes plusieurs à vivre les mêmes sentiments. Le groupe que nous formons nous rend plus forts, nous aide à trouver des solutions, à agir. J'y crois aussi sincèrement. Seulement, dans les moments de plus grande tristesse, on oublie facilement que notre destin est lié à celui des autres. La solitude l'emporte. Heureusement, cela finit généralement par passer :)
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